Alors que les institutions publiques souffrent de restrictions budgétaires et que les collections d’entreprises et les musées privés subissent les effets de la crise, plusieurs nouveaux grands musées viennent de voir le jour (ou le verront prochainement) au Japon.
TOKYO - Les musées ne manquent pas au Japon – il y en aurait 3 777 –, mais les récents événements se révèlent plutôt décourageants. La crise économique asiatique a fini par toucher les institutions publiques, qui voient leurs budgets s’effondrer ; de même, les collections d’entreprises et les musées privés en subissent les conséquences et sont forcés de vendre leurs collections, voire de déposer le bilan. Malgré ce climat pesant et l’absence de tout signe de reprise, plusieurs musées d’importance viennent de voir le jour (ou le verront bientôt) dans le pays.
Cette année, le Musée préfectoral de Hyogo a été inauguré à Kobe. D’une surface d’exposition de 27 500 mètres carrés, il est, après le Musée d’art contemporain de Tokyo, l’un des plus grands musées du Japon. C’est l’architecte Tadao Ando qui a réalisé cet édifice de verre, béton et pierre face à la mer, qui a coûté 30 milliards de yens (240 millions d’euros). Le musée abrite la collection de la préfecture de Hyogo, soit 7 000 œuvres d’art moderne et contemporain. Il s’inscrit dans le nouveau quartier du bord de mer, un symbole de renaissance pour la ville détruite par le tremblement de terre de 1995. Une construction intégrant une technologie de pointe devrait protéger le bâtiment de futurs séismes. La préfecture espère attirer un demi-million de visiteurs chaque année dans cet espace dédié aux expositions et aux arts du spectacle.
“C’est un très grand musée, commente le conservateur Tokuhiro Nakajima. Nous savons que nous devons attirer beaucoup de visiteurs afin de rentabiliser le bâtiment et garder le personnel, d’où les programmes de concert et autres spectacles.” La récente exposition sur Vincent van Gogh, incluant de nombreux prêts de collections européennes, et celle centrée autour de pièces du Victoria and Albert Museum de Londres sont conçues pour attirer les foules.
Ailleurs au Japon, l’on peut trouver des signes d’optimisme similaires ; le Pola Art Museum vient d’ouvrir ses portes dans un parc national à l’extérieur de Tokyo. Au Nord, l’Aomori Museum of Art, signé par l’architecte japonais Jun Aoki, devrait ouvrir en 2005. Sur la côte est, le Musée d’art contemporain du XXIe siècle de la ville de Kanazawa, dessiné par Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, sera consacré à l’art contemporain international depuis 1980 et devrait ouvrir ses portes en 2004.
Le gouvernement japonais travaille également sur plusieurs projets de musées nationaux, tel le Musée national d’art moderne à Tokyo qui a fait peau neuve grâce à deux ans de travaux de rénovation et 7,8 milliards de yens (60 millions d’euros). Le Musée national de Kyushu s’intéressera à “l’interprétation du développement de la culture japonaise dans la perspective de l’histoire asiatique”. Le Musée national d’art moderne d’Osaka s’installe sur un nouveau site et devrait être terminé d’ici à trois ans. À Tokyo, la National Gallery, conçue par Kisho Kurokawa, occupera à partir de 2006 le quartier central de Roppongi. Contrairement aux musées nationaux du pays, la National Gallery n’abritera pas de collection à proprement parler, mais elle accueillera sur ses 14 000 mètres carrés des accrochages de collections privées japonaises et de grandes expositions thématiques, tout en proposant des conférences et un centre d’information sur l’art. À deux pas s’élèvera le Mori Arts Center, un gigantesque complexe artistique et un espace d’exposition qui ouvrira fin 2003.
Malgré ces bonnes nouvelles, les musées du secteur privé ne réussissent pas aussi bien. Le Nagoya/Boston Museum of Fine Arts, l’espace ouvert en partenariat avec l’institution américaine en 1999, a dû faire appel cette année à des financiers pour éviter la catastrophe commerciale. Le Nagoya/BMFA, qui a accepté de verser une contribution annuelle de 50 millions de dollars (48,64 millions d’euros) au Musée de Boston au cours des vingt premières années de son existence, a souffert de la baisse de la fréquentation et de la faiblesse du yen. En mars, l’opérateur du musée, la Fondation pour les arts de Nagoya, tentait de réunir 3 milliards de yens (20 millions d’euros) auprès des entreprises locales. Officiellement, sa fermeture ne devrait pas intervenir avant l’arrivée des 12 millions de visiteurs attendus pour l’Expo 2005 se tenant dans le département d’Aichi. À Tokyo, le musée municipal continue à se serrer la ceinture. Shintaro Ishihara, le gouverneur de Tokyo, tient fermement à ce que les institutions publiques deviennent plus accessibles aux habitants de la ville. Il a nommé des hommes d’affaires, et non des conservateurs, à la tête de musées aux budgets restreints, tel le Metropolitan Museum of Photography (lire le JdA n° 125, 13 avril 2001). Dernièrement, Seiichiro Ujiie, le chairman de Nippon Television, âgé de soixante-quinze ans, a pris la direction du musée d’art contemporain de Tokyo, qui rencontre de grandes difficultés. Seiichiro Ujiie, une connaissance de longue date de Shintaro Ishihara, a admis qu’il n’était pas un familier de l’art contemporain mais que des expositions plus populaires attireraient les visiteurs.
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Les paradoxes des musées nippons
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°162 du 10 janvier 2003, avec le titre suivant : Les paradoxes des musées nippons