FRANCE
Les musées français expérimentent le télétravail autour de leurs missions essentielles. Retours d’expérience de la première semaine de confinement.
France. L’effarement, puis la mobilisation : les musées contactés par Le Journal des Arts ont vécu durant la première semaine de confinement, dû à la pandémie de Covid-19, une expérience intense, chargée d’émotions, historique. Au fil de ces premiers retours d’expérience se dessinent les défis des semaines et des mois à venir.
Au Musée d’arts de Nantes, fermé le dimanche 15 mars, la directrice Sophie Lévy décrit un sentiment de « sidération » pendant les deux premiers jours. Même sentiment au Louvre-Lens, où les équipes de Marie Lavandier ont jusqu’au dernier moment essayé de s’adapter aux limitations de rassemblements, jusqu’à l’annonce du confinement général. « Il a fallu entendre qu’on n’était pas un service essentiel », explique pour sa part Nicolas Surlapierre, directeur des musées de Besançon, fermés dès le vendredi 13.
Entre vendredi 13 et mardi 17 mars, les musées se sont donc mis à l’heure du télétravail contraints et forcés, avec un seul mot d’ordre : maintenir les missions essentielles en service minimum. Les plans de continuité d’activité, bien connus des musées parisiens en attente de la crue centennale de la Seine, ont été adaptés et ont servi de fil rouge aux équipes pour cibler missions et postes essentiels à la sécurité et la conservation des collections, la surveillance et la maintenance des bâtiments, la paie des salaires, des prestataires et des fournisseurs. Pour payer ces derniers, « le bureau des marchés fonctionne à plein régime » au Musée de l’armée, confie Ariane James-Sarrazin, directrice adjointe de l’institution.
À ParisMusées, la surveillance des œuvres est assurée par roulement des agents de sécurité, sous la veille constante des conservateurs, un système « classique » de surveillance mis en place dans tous les musées français. « Notre veille est fondée sur des passages réguliers, ne serait-ce que pour relever le courrier, régler les factures en urgence, surveiller la sécurité, la maintenance, le climat », explique Marie Lavandier. Au Musée de l’air et de l’espace du Bourget, une vingtaine d’agents sur les cent dix que compte le musée sont ainsi présents pour assurer la sécurité, la conservation et le secrétariat général de l’institution.
Et puis, il a fallu organiser le télétravail, faire remonter les demandes de matériel et d’ordinateurs, installer des VPN sur les ordinateurs pour connecter les gens aux serveurs des musées. Au Bourget, l’ambiance est studieuse : « Le 13 au soir, tout le monde était prêt », relate Anne-Catherine Robert-Hauglustaine, directrice du Musée de l’air et de l’espace. Au Louvre-Lens, où le télétravail est une habitude pour cinquante-deux agents, l’institution n’a pas été prise au dépourvu. Au Musée de l’armée, la directrice adjointe admet que le télétravail est une nouveauté ; il a fallu « entre deux et trois jours de tâtonnements, pour prendre en main et créer les outils » de communication et de planification. À Besançon comme à Nantes, les musées ont pu compter sur les services informatiques de leurs villes respectives.
Tous le confirment : le télétravail va être très compliqué sans présentiel, à moyen et long terme, même si visioconférences, réseaux sociaux d’entreprises, logiciels de planifications sont autant d’outils qui deviennent fondamentaux dans le quotidien des professionnels des musées. La messagerie instantanée WhatsApp est incontournable, les émojis indispensables pour contextualiser les messages et adoucir les impératifs.
Il faut aussi gérer la frustration de voir les projets à l’arrêt, suspendus à un calendrier fluctuant. Au Musée d’arts de Nantes, au Musée du Louvre-Lens, au Musée de l’armée, des expositions ont été arrêtées en plein montage. Pour « Soleils noirs », censée ouvrir à Lens le 25 mars, « il restait quatre jours de montage, et malgré le renoncement de prêts d’œuvres venues de l’étranger au fur et à mesure que les frontières se fermaient, l’exposition tenait le coup. On est allé le plus loin possible, pour être capable de l’ouvrir très vite après la fin du confinement », raconte Marie Lavandier. Pour tous, la question des prêts d’œuvres va être centrale, certains directeurs appelant de leurs vœux un « moratoire » ou encore un « reset [reconfiguration] complet » du système des prêts au niveau international.
Entre scénarios optimistes et pessimistes, avec une reprise espérée entre la mi-avril et la mi-mai, les musées naviguent à vue sur leur programmation et fonctionnent par hypothèses. Avec le sentiment de courir une course de fond, entre redéfinition d’un métier coupé temporairement de l’immédiate matérialité des œuvres et préservation du lien avec le visiteur, grâce notamment aux outils numériques. « Le chemin va être long, il faut garder son souffle », prévient Sophie Lévy.
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Les musées en France s’organisent tant bien que mal
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°542 du 27 mars 2020, avec le titre suivant : Les musées s’organisent tant bien que mal