Comme toute l’administration allemande, la Culture est contrainte de réduire ses dépenses pour que le déficit budgétaire converge vers les critères de Maastricht. Bonn s’apprête d’ailleurs à révolutionner les principes fondamentaux de ses finances publiques. Le Bayerisches Nationalmuseum de Munich (Bnm) a mené sur ce point une expérience pilote. Plus au nord, la Stiftung Preußischer Kulturbesitz de Berlin (SPK) continue de faire face à des problèmes structurels.
BERLIN. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les dépenses culturelles en Allemagne (État fédéral, régions, communes et communautés locales) s’élèvent à 14,4 milliards de deutschemarks (48 milliards de francs) par an, dont 2,75 milliards pour les nouveaux Länder de l’Est. Elles ont augmenté en moyenne de plus de 8 % par an, davantage que l’inflation (2,5 %). Depuis 1996, le secteur culturel, comme toutes les autres administrations, est amené à réduire ses dépenses afin que le déficit des comptes publics ne dépasse pas les limites imposées par le traité de Maastricht, soit 3 % du PIB.
Une réforme difficile
Avec le budget de 1998, le Parlement allemand va devoir voter une loi réformant l’administration publique, proposée par le ministre des Finances, le Bavarois Theo Weigel (CSU). Un événement de portée historique : il vise à abolir le principe du “camérisme” (d’après la Kammer, chambre où, jusqu’à l’arrivée de Bismarck, les princes territoriaux allemands avaient coutume de se réunir avec les plus hauts fonctionnaires de leurs États respectifs pour gérer leur budget), qui règle le fonctionnement de la comptabilité publique, des ministères aux musées, depuis plus de cent cinquante ans. Jusqu’à présent, tous les organismes publics étaient tenus de présenter un bilan annuel divisé en chapitres, titres et lignes budgétaires ne permettant pas la moindre souplesse ou autonomie de gestion. Ils bénéficient de fonds chaque année sur la base d’un bilan provisionnel et, pour la répartition des dépenses, sont soumis à un contrôle rigoureux de la part du ministère des Finances et de la Cour fédérale des Comptes. Ce système a permis de contrôler parfaitement le fonctionnement de la machine étatique, mais il a entraîné des gaspillages notoires puisque les organismes publics n’ont jamais été incités à épargner ni à augmenter l’efficacité de leurs dépenses, toute épargne étant automatiquement “punie” par une diminution du budget l’année suivante. Les pressions engendrées par le poids de la situation économique et la nécessité de réduire les dépenses sont telles que l’État allemand souhaite réformer les points névralgiques du fonctionnement de son propre appareil. Les réformes, qui entreront très probablement en vigueur en 1998, auront un impact décisif sur le fonctionnement des institutions publiques et affecteront aussi directement le secteur de la Culture. Les universités, musées, théâtres et opéras – qui semblaient à jamais embaumées dans leurs usages séculaires – paraissent s’éveiller à une vie nouvelle.
L’organisation du secteur culturel
Éducation – scolaire et universitaire – et Culture sont en Allemagne de la compétence des Länder (régions), un principe consacré par l’article 79 de la Constitution de 1949 (“Kulturpolitik ist Ländersache”) qui respecte la tradition historique de la souveraineté locale (“Kulturhocheit der Länder”), seulement interrompue de 1933 à 1945 sous la dictature national-socialiste. Au niveau fédéral, une direction du ministère de l’Intérieur gère les interventions – limitées – de l’État dans le secteur de la Culture. L’article 135 de la Constitution attribue des compétences culturelles au Bund (l’État fédéral) dans le domaine de la représentation nationale. Elle a par exemple autorisé la constitution de la Stiftung Preußischer Kulturbesitz (SPK), fondation qui gère le patrimoine artistique et culturel de l’ancienne Prusse, Land dissous en 1947. La SPK, dont le siège est à Berlin, est financée à 75 % par le Bund, le reste étant apporté par les seize Länder de la République. C’est l’exemple type de l’institution investie de tâches de représentation à caractère national. La Blaue Liste (“liste bleue”) énumère une série d’institutions – musées et fondations – qui dépendent directement du Bund, comme le Deutsches Museum de Munich, le Deutsches Nationalmuseum de Nuremberg, la Kunst & Ausstellungshalle der Bundesrepublik Deutschland à Bonn, etc. L’État fédéral doit en outre garder vive la culture des anciens territoires allemands de Prusse orientale et de Silésie. Dans la seconde moitié des années quatre-vingt, des tentatives ont cherché à donner davantage de poids au gouvernement de Bonn dans le secteur culturel. Mais la réunification a mis fin à ces projets, en posant au gouvernement du Chancelier Kohl des problèmes bien plus cruciaux pour l’avenir du pays. Au second niveau d’organisation de la Culture se trouvent les “Länder” (régions), au troisième les “Städte” (villes), au quatrième les “Gemeinde” (communautés locales). À l’exception de quelques institutions locales qui sont du ressort du Bund, toutes les activités culturelles et les ressources financières sont gérées au niveau local. L’ensemble des dépenses culturelles publiques (14,4 milliards de marks) est financé à 60 % par les Länder, à 35 % par les communes et à 5 % seulement par le Bund. Le nouveau modèle de comptabilité publique a déjà été testé ces dernières années par quatre organismes publics, avec d’excellents résultats. Les tests ont commencé – ce n’est pas un hasard – en Bavière, seul État fédéral où le parti CSU catholique (allié au CDU du Chancelier Kohl) détient la majorité absolue et était donc en mesure d’affronter politiquement une réforme de cette ampleur. Celle-ci est difficile, parce qu’elle met fin à l’un des principes cardinaux, la balance des comptes, sur lequel se fondait le fonctionnement de l’État. Elle devrait avoir pour conséquence, à moyen terme, la suppression de milliers d’emplois dans les ministères des différents Länder, comme dans la capitale fédérale.
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Les musées allemands à l’heure de Maastricht
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°47 du 7 novembre 1997, avec le titre suivant : Les musées allemands à l’heure de Maastricht