À l’initiative de l’Icom (Conseil international des musées), et avec le concours de l’Institut national du Patrimoine de Tunisie et la collaboration de l’Unesco, une réunion de travail sur la question des vols et trafics de biens culturels s’est tenue à Hammamet cet été. Une première qui manifeste l’implication croissante des États arabes dans la lutte contre les trafics.
HAMMAMET - L’intérêt de la rencontre, qui démontrait une volonté plus affirmée que celle généralement relatée dans la presse occidentale, était en particulier de poser la question des biens culturels dans des pays riches en sites archéologiques, et de faire connaître des expériences de conservation adaptées à des situations très diverses. Les documents de travail et les communications ont apporté des informations actualisées sur la situation réglementaire des États participants. Ainsi apprenait-on que la Jordanie, après avoir accordé aux antiquaires en 1976 des autorisations d’activité inspirées de “l’open general licence” britannique, avait été conduite à interdire le commerce de pièces archéologiques en raison des pillages et des fouilles illicites exacerbés par la crise liée à la guerre du Golfe. Pour ce pays comme pour d’autres États présents, la question est de savoir si une interdiction pure et simple est réaliste ou si il faut revenir au dispositif antérieur. Elle a fait l’objet de nombreux échanges en assemblée plénière à propos d’une recommandation sur les importations et exportations de biens culturels entre les pays arabes, certains participants considérant la proposition comme une acceptation de mouvements qu’ils voudraient proscrire, d’autres estimant qu’ils devaient être cantonnés aux échanges scientifiques. Plusieurs États arabes ont ratifié la convention Unesco de 1970 et s’intéressent à la convention Unidroit, mais ils semblent privilégier des accords bilatéraux, facilités par la conscience d’un héritage culturel commun, en particulier la religion et la langue.
Un réseau de bibliothèques
La plupart des États devaient relever le manque de moyens d’inventaire, de surveillance, ainsi que l’absence de formation adéquate des personnels de musées et sites, mais également des services de police et de douanes. Parmi les expériences concrètes de protection, il faut relever le réseau des bibliothèques traditionnelles de Tidjikja, en Mauritanie. Dès 1972, une loi est intervenue – sans beaucoup d’effets – pour protéger les fonds de manuscrits qui s’étaient concentrés dans la région de Shingîti, le plus important foyer intellectuel du Sahara occidental au XVIIe siècle. Les risques naturels (termites, rats...) et les trafics (en 1990, un trafiquant a réussi à se faire remettre plusieurs centaines d’ouvrages qui auraient ensuite été vendus dans le golfe Persique) ont appauvri ce patrimoine et conduit à mettre en place, en 1996, un réseau de bibliothèques traditionnelles. Cette initiative vise “à mettre en confiance des propriétaires échaudés par des approches étroitement institutionnelles ou des expériences malheureuses d’action coopérative entre particuliers, en réaffirmant le respect de la propriété de chacun sur son fonds et son autonomie”. Pratiquement, les propriétaires s’engagent à organiser leur bibliothèque et à la placer dans des conditions de conservation acceptables ; à inventorier leur fonds et à le cataloguer avec des spécialistes ; à ne pas offrir ou vendre les manuscrits sans avis préalable du réseau ; enfin, à le rendre accessible aux visiteurs. En contrepartie, le propriétaire reçoit des équipements de conservation et un soutien financier. Cette expérience, soutenue par le journal Le Monde a permis un premier succès de l’opération : quinze bibliothèques inventoriées et une forte sensibilisation du public. Ce premier succès sur le terrain peut augurer d’autres réalisations. On découvre au passage que les instruments internationaux sont d’autant plus efficaces qu’ils sont relayés par des solidarités régionales. Jusqu’alors, ces solidarités s’affirmaient autour des puissances occidentales : les États-Unis et l’Amérique latine, les Européens entre eux... Cette conférence démontre qu’elles peuvent s’étendre.
La presque totalité des États arabes était représentée à cette conférence par des fonctionnaires de haut niveau en charge des musées, des services de police et des douanes. La communauté internationale était également représentée par l’Unesco, l’Alecso (Organisation arabe pour l’éducation, la culture et la science) et Unidroit ; les services de contrôle et de répression par Interpol et l’OMD (Organisation mondiale des douanes). Le Getty Museum, l’Ictop (Comité international de l’Icom pour la formation du personnel) et l’IESA de Paris avaient dépêché des observateurs.
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Les états arabes s’organisent contre le vol et le trafic
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°66 du 11 septembre 1998, avec le titre suivant : Les états arabes s’organisent contre le vol et le trafic