Lancé en 1999, le Musée des Confluences ouvre ses portes le 20 décembre à Lyon après une dizaine d’années de turpitudes techniques et financières. Alors que le bâtiment signé Coop Himmelb(l)au est enfin sorti de terre, près de 500 000 visiteurs sont attendus dans cet avatar moderne du Muséum d’histoire naturelle qu’Émile Guimet dirigeait il y a un siècle.
LYON - Le Musée des Confluences ouvre ! Certains avaient perdu espoir tant l’ambitieux projet, lancé en 1999, a pris tout au long de son élaboration un retard si important que son existence a parfois été remise en cause au sein du conseil général du Rhône, qui a supporté une large partie de l’addition.
« Le musée est issu de collections agrégatives, complexes, qui nous permettront de tenter un “grand récit de l’humanité”, dans un regard complémentaire, un rapprochement des disciplines, un parcours à la fois symbolique et scientifique », explique Hélène Lafont-Couturier, arrivée à la tête du musée après que son prédécesseur, Michel Côté en 2011, a été appelé à prendre la direction des Musées de la civilisation de Québec.
L’enjeu est de taille, à hauteur de l’attente des Lyonnais. Après un concours architectural remporté en 2001 par le cabinet autrichien Coop Himmelb(l)au (1) sur la base d’un programme estimé à 61 millions d’euros, les travaux débutent en 2006. Mais la première entreprise maître d’ouvrage jette l’éponge en 2008, en raison d’un terrain glissant et alluvionnaire, de surcroît pollué par des décennies d’activités industrielles. En 2010, Vinci hérite le projet mais accumule les retards, liés à la complexité technique du bâtiment. Entre-temps, l’enveloppe budgétaire s’est envolée : à la fin du mois d’octobre dernier, le musée a englouti 250 millions d’euros hors taxes, à la charge presque exclusive du Département du Rhône, suscitant les interrogations sur la gestion du projet, que le président de la Région Rhône-Alpes, Michel Mercier, a toujours défendu bec et ongles devant son conseil.
Aujourd’hui, le musée, ancré à l’extrême pointe du quartier Confluence, entre Rhône et Saône, se décompose en trois parties. Le socle, d’une surface de 8 700 m2 en béton, accueille les espaces techniques, les réserves et deux auditoriums sur deux niveaux semi-enterrés. Le Cristal, de 1900 m2, sert d’entrée monumentale sous une verrière de 19 mètres de hauteur. Enfin le Nuage, avec ses 10 900 mètres carrés de surface, englobe les espaces d’expositions, l’administration et, au dernier étage, une terrasse panoramique et un café. Le bâtiment, très minéral, est constitué d’acier, de béton et de verre : les 500 000 visiteurs attendus chaque année devraient réchauffer cette atmosphère glacée…
Collections hétéroclites
Le Musée des Confluences est né de la métamorphose du Muséum d’histoire naturelle de Lyon. Les collections sont issues d’un cabinet de curiosité lyonnais du XVIIIe siècle et d’une partie de la collection d’Émile Guimet. ce dernier avait consenti en 1913 à revenir diriger le Musée d’histoire naturelle-Guimet à Lyon, à l’invitation de son ami alors maire de la ville Édouard Herriot, conscient de la qualité des œuvres amassées par le collectionneur. Plus tard, les anciennes collections du Musée colonial de Lyon et le dépôt des collections de l’Œuvre de la propagation de la foi, entreprise missionnaire exemplaire du XIXe siècle, viennent s’y ajouter. Soit un ensemble de collections hétéroclites, que les équipes scientifiques ont décidé d’exposer dans un parcours permanent scindé en quatre parties.
« Origines, les récits des mondes » mêle un discours scientifique et symbolique autour d’un squelette de Camarasaurus, dinosaure herbivore long de plus de 10 mètres acquis en 2006 pour 1,2 million d’euros : « Le Département nous a alloué un fonds spécial d’acquisition pendant trois ans à hauteur de un million d’euros par an, pour acquérir des pièces spectaculaires capables de susciter l’attention du public », souligne Bruno Jacomy, directeur scientifique du musée. Fossiles et singes naturalisés illustrent l’évolution des espèces alors qu’en contrepoint des sculptures contemporaines Inuit acquises dans le courant des années 2002 évoquent un récit mythologique de la création.
« Espèces, la maille du vivant », en soulignant la biodiversité et le décentrage de l’humain face à la multitude du vivant, propose une scénographie volontairement esthétisante et spectaculaire. À un mur de coquillages soigneusement alignés et classés par familles, répond une parure indienne faite de plumes aux couleurs éblouissantes. À ce stade du parcours, la volonté de la directrice, Hélène Lafont-Couturier, de commander à des scénographes différents les quatre salles d’expositions permanentes prend tout son sens. Si l’esthétisme sublime les collections entomologiques de la salle des espèces, le mystère règne sur la partie « Éternités, visions de l’Au-delà », composée en majeure partie des collections égyptiennes de l’ancien Muséum. On s’interrogera toutefois sur l’agencement de certaines vitrines dans cette section, comme celle présentant les statuettes des hommes barbus, véritables joyaux de Lyon, ici perdus parmi d’autres objets de moindre importance historiographique et esthétique. Une dernière séquence, « Sociétés, le théâtre des hommes », questionne la structuration des échanges.
Hommage à Guimet
Pour les expositions inaugurales, le musée a choisi de revenir à l’une de ses origines, en présentant « Les trésors de Guimet » jusqu’en juillet 2015, hommage au Lyonnais Émile Guimet avec la participation du Musée national des arts asiatiques-Guimet à Paris et des prêts consentis par le Louvre. Classique et pédagogique, l’exposition rassemble des œuvres issues de sa collection avant sa dispersion tout au long du XXe siècle. « Dans la chambre des merveilles », présentée pendant toute l’année inaugurale, est un cabinet de curiosité revisité, allusion à la première collection qui a bâti le Musée des Confluences, celle des frères Gaspard et Balthasar de Monconys de Liergues à la fin du XVIIe siècle à Lyon.
Si le musée ouvre le 20 décembre, les chantiers se poursuivent au-delà. Les extérieurs, confiés au cabinet Coop Himmelb(l)au, sont inachevés. La brasserie du premier niveau n’ouvrira qu’en février, au moment où la programmation culturelle se mettra en place. Le déménagement final des réserves va s’engager après l’inuaguration. Il faut en effet libérer l’espace de l’ancien Muséum, situé rue des Belges et fermé depuis 2007, dont le bâtiment appartient à la municipalité, et remplir les espaces prévus à cet effet dans le socle du Musée et au Centre de conservation et d’études des collections, ouvert en 2002.
Sur le plan administratif, le musée, transformé en EPCC [établissement public de coopération culturelle] en juillet 2014, change de tutelle au 1er janvier. Ironie de l’histoire, le Département, qui a été à l’initiative du projet, s’en sépare dans le cadre de la mutation du Grand Lyon, et cède sa tutelle à la Ville. « Cela ne remet absolument pas en cause le fonctionnement du musée, assure Hélène Lafont-Couturier. La programmation culturelle est “actée” jusqu’en 2018. » Les passerelles possibles avec les autres institutions lyonnaises sont presque illimitées, tant les faisceaux d’entrée dans les collections du Musée des Confluences sont nombreux. « Nous sommes à la fois un Quai Branly, un Conservatoire national des arts et métiers et un Musée de l’Homme ! », lance avec facétie Bruno Jacomy.
Le « chantier judiciaire » continue lui aussi avec le litige entre le Département et l’entreprise Vinci. La collectivité territoriale réclame en effet quelque 41,5 millions d’euros de pénalités pour six ans de retard à son maître d’œuvre.
Directrice : Hélène Lafont-Couturier
Architecte : Cabinet Coop Himmelb(l)au
Bugdet des travaux : estimés à 250 M€ HT
Superficie : 26 700 m2
(1) dont c’est la première réalisation en France.
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Les Confluences, enfin !
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Légendes Photos :
Le hall d'accueil du musée des Confluences. © Coop himmelb(l)au
Le Musée des Confluences, Lyon. © Photo : Musée des Confluences, Lyon/Quentin Lafont
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°425 du 12 décembre 2014, avec le titre suivant : Les Confluences, enfin !