À l’entrée de la rue Bonaparte, Poussin monte en hermès sur un pilier, le regard droit piqué dans la façade des numéros impairs. Sait-il seulement que Puget fait de même à l’autre bout du fil ?
L’un et l’autre, à cou planté dans la minerve de l’histoire et du portail, s’ignorent comme des chevaux portant l’œillère. Ils ne se voient pas, le dos tourné à l’École des beaux-arts, ni ne baissent les cils sur le Paris qui passe. Un graffiti, un vélo accroché à leur grille, un camion qui s’alarme sous leur nez dans la voie de l’Empereur, des silhouettes grisées qui la nuit s’abandonnent sur la ville, mais eux gardent la reine. La relève n’a pas l’air assurée, du moins pas en été. Le pavé intérieur n’a pas les honneurs de juillet. Il y fait sombre, les passants s’y font rares à l’heure où l’on s’y trouve. Quelques voitures, peut-être de fonction, s’oublient au pied de L’Abondance, entre deux palissades. Même les colonnes du château d’Anet, montées en 1791 sur la chapelle des Petits-Augustins, s’écrasent avec le mauvais temps dans l’ombre du tableau. D’ordinaire, quand le ciel n’est ni bas ni trop lourd, on les dirait sorties de pierre comme la Khazneh de Jordanie.
Il commence à goutter ; à présent que les semelles se mouillent s’y collent des grains de sable, logés entre les dalles, qui viennent craquer le pas. Le Palais des Études fera l’abri parfait. À découvert sous sa chape de verre, on y entend claquer la pluie dessus les socles désertés. Auguste est là, bien sûr, en Triomphateur ; César aussi, en Imperator. Au reste quasiment, pas un marbre, pas un plâtre. Des cartons, des poubelles, deux panneaux d’affichage portant des rapinades, caricatures de l’École des beaux-arts, plongée dans les intrigues de son rang. Car ici, comme avant dans les académies, on a fait profession de querelles autant que de peindre et sculpter. C’est gage de bien portance : les élèves, comme tous ceux qui les ont précédés, se verraient gouvernés d’une tout autre manière. Ni César, ni Auguste, ni Poussin, ni Puget, ni aucun de ces grands disparus aux noms dorés sur tranche n’est pour autant promis à son déboulonnage.
Où ?
École nationale supérieure des beaux-arts, 14, rue Bonaparte, Paris-6e
Comment ?
www.beauxartsparis.com
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Les Beaux-Arts de Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°671 du 1 septembre 2014, avec le titre suivant : Les Beaux-Arts de Paris