MOSCOU - Directrice adjointe à la Galerie Tretiakov à Moscou, Lidia Iovleva se souvient d’une pâle matinée de janvier 1988 tandis qu’arrivait un convoi venu de France, chargé de toiles de peintres russes dans un état de conservation déplorable. Parmi cet ensemble d’œuvres légué à la Russie par la veuve de Michael Larionov, peintre russe émigré en France au début du XXe siècle, nombreux étaient les tableaux signés de la première épouse de Larionov, Natalia Gontcharova (1881-1962).
Précisons que ce legs a aussi profité au Musée national d’art moderne à Paris, lequel a bénéficié – sous la forme d’une dation destinée à régler les frais de succession – d’une soixantaine d’œuvres soigneusement choisies par les conservateurs français. Un triptyque, Les Baigneuses, exécuté en 1922 et exposé avec succès au Salon des Indépendants, n’avait pas retenu l’attention des spécialistes. Sans doute était-ce dû à son état proche de la décomposition. Les toiles, roulées sur elles-mêmes et conservées dans l’atelier de Gontcharova à Paris, étaient encrassées, craquelées et perdaient par endroits leur couche picturale. Les historiens de l’art n’en connaissaient que le panneau central, utilisé en 1923 pour l’affiche du « Bal des peintres », un bal de charité organisé en faveur des émigrés russes en France.
Un musée dédié au couple
Forte de sa collaboration avec la Fondation BNP Paribas, qui avait déjà financé il y a deux ans la restauration d’une de ses icônes, la Galerie Tretiakov a de nouveau bénéficié du soutien de la fondation française pour cette restauration pour le moins délicate. L’opération a été menée par les équipes du musée moscovite entre août et octobre 2009, ceci in situ et avec des « recettes de fabrication » maison : traitement anti-poussière de la couche picturale, nettoyage des moisissures et décrassage de la surface, réparations des déchirures, comblement des lacunes, retouches de certaines zones et application d’un vernis protecteur réversible. Aujourd’hui, le triptyque a retrouvé sa fraîcheur d’origine, le velouté de sa matière et la vibration de ses contrastes entre ses couleurs fauves et métalliques.
Exposées pour la première fois depuis leur arrivée au pays il y a plus de vingt ans, Les Baigneuses accèdent enfin au statut d’icône de la collection du musée, par ailleurs plus grand détenteur en Russie d’œuvres du couple Larionov-Gontcharova. Les sirènes ne tarderont pas à chanter : en 2013 se profile une rétrospective Gontcharova dans un musée allemand où le triptyque figurera très certainement. Pour ce projet de restauration préfigurant les échanges culturels et artistiques de l’année croisée « France-Russie » en 2010, la Fondation BNP Paribas, associée pour l’occasion à la filiale BNP Paribas Russie, consolide ses liens avec l’étranger, mais rappelle surtout la proximité artistique entre les deux pays. Les responsables de la Galerie Tretiakov espèrent pour leur part pouvoir ouvrir un musée consacré à Michael Larionov et Natalia Gontcharova dans l’ancienne résidence du couple. Mais il faudrait avant cela en déloger les propriétaires actuels…
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Les « Baigneuses » font peau neuve
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°316 du 8 janvier 2010, avec le titre suivant : Les « Baigneuses » font peau neuve