La célèbre firme fondée en 1852 a décidé de confier ses archives à la Région Toscane. Un lieu prestigieux sera prochainement choisi pour conserver et exposer ce fonds de 5 millions de photographies.
Florence. Le plus grand déménagement de photographies au monde se déroule en ce moment à Florence et devrait s’achever le 30 juin. Il s’agit de celui de Fratelli Alinari, la plus ancienne firme photographique au monde à être toujours en activité. Ses archives contiennent 5 millions de photographies, depuis des daguerréotypes jusqu’à des images numériques, et 200 000 plaques photographiques. Des pièces italiennes mais aussi françaises, allemandes, américaines. Ce fonds est six fois plus grand que celui du Victoria and Albert Museum de Londres. Il était jusqu’en mai abrité dans un immeuble situé en plein cœur de Florence où trois frères avaient fondé au mitan du XIXe siècle la plus célèbre dynastie de photographes de la Péninsule. Fascinés par l’album Excursions daguerriennes (1842) et enthousiasmés par la Mission héliographique (1851) voulue par Napoléon III pour inventorier le patrimoine national, ceux-ci ouvrent leur atelier l’année suivante.
Dans une Italie sur le point de parachever son unité, les Alinari sont alors les pionniers de l’aventure photographique. Leurs images s’imprimeront dans l’imaginaire collectif de ses habitants et nourriront celles qui naissent dans l’esprit des étrangers. Rien n’échappe à leur objectif. Après avoir imprimé sur leurs plaques de verre les monuments et les paysages de leur cité puis de la Toscane, ils parcourent l’Italie, saisissant sur le vif l’indolence des gamins, la pauvreté des travailleurs des campagnes ou la satisfaction des membres de la bonne société. Ces derniers se bousculent dans leur atelier qui reçoit la visite de personnalités aussi illustres que Garibaldi ou Puccini. Au bas des portraits qui s’arrachent, figure la signature « Fratelli Alinari », d’une renommée égale à celle de Nadar de l’autre côté des Alpes. La popularité de leur travail dépasse rapidement les frontières. Les vues noir et blanc ou sépia des monuments se retrouvent dans les guides touristiques du monde entier. Les reproductions des chefs-d’œuvre des artistes italiens sont utilisées par la très grande majorité des éditeurs pour leurs ouvrages. L’imaginaire collectif de l’Italie, de son peuple et de sa richesse artistique qui se bâtit au XIXe siècle, et pour une grande partie au XXe siècle, repose sur des photographies Alinari.
Ces archives exceptionnelles sont sur le point d’être cédées à la Région Toscane, comme le confirme Claudio de Polo, président de la société Fratelli Alinari. « C’est le plus grand déménagement de photographies au monde, explique-t-il. Nous avons commandé en Pologne des caisses renforcées uniques et ultra-résistantes pour les plaques photographiques. Nous n’avons plus de place et les archives s’enrichissent de jour en jour. Elles seront prochainement entre de bonnes mains dans un site prestigieux, qui, je l’espère, ouvrira d’ici un an. Je me suis posé la question de leur avenir et j’ai constaté qu’elles étaient trop importantes pour être encore gérées par un particulier. Confiées à une institution, ces photographies pourront être vues, exposées et valorisées. » C’est ce que souhaitait Enrico Rossi, le président de la Toscane, attentif à ce que soit préservé le mieux possible un tel patrimoine et surtout soucieux d’éviter qu’il ne soit un jour dispersé.
Le nom du lieu qui doit accueillir le fonds sera bientôt rendu public. Le siège historique de Fratelli Alinari, devenu trop petit et situé sur une artère polluée de la ville, a déjà été vendu. Il devra être libéré d’ici à la fin du mois de juin. En attendant, les archives sont placées dans un caveau d’Art Defender à Calenzano, au nord de Florence. Cette société fondée il y a dix ans offre un réseau logistique et d’infrastructures disposant des standards technologiques et de sécurité les plus efficaces pour le transport et la conservation d’œuvres d’art. Sa clientèle est composée de collectionneurs privés, de galeries mais aussi de musées devant entreposer des œuvres dans l’attente d’une exposition, d’une vente ou d’une restauration. Comme celle dont nécessiteront probablement certaines photographies des archives Alinari à l’issue d’un déménagement qui permettra également de mettre à jour le catalogue et d’avoir une vision très précise de cette formidable collection.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les archives Fratelli Alinari changent de mains
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°525 du 7 juin 2019, avec le titre suivant : Les archives Fratelli Alinari changent de mains