Archéologie - Irak

Les archéologues au secours de l’Irak

Par David d'Arcy & Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 21 mars 2003 - 644 mots

IRAK

L’attaque de l’Irak par l’armée américaine, avec ou sans l’aval de l’ONU, semble de plus en plus proche. Après la longue guerre entre l’Iran et l’Irak et l’opération “Tempête du désert? de 1991, la richesse archéologique du territoire irakien, considéré comme le berceau de la civilisation, se voit une nouvelle fois menacée par un conflit armé de grande ampleur.

NEW YORK - Alors que l’armée américaine élabore ses stratégies d’attaque de l’Irak, le gouvernement de George W. Bush fait face à de nombreuses requêtes concernant la protection des multiples sites archéologiques du pays. La déclaration officielle du Comité international du Bouclier Bleu, qui se veut l’équivalent de la Croix-Rouge dans le domaine culturel, est sans équivoque : “Bien que parfaitement conscient qu’il y ait d’autres sujets d’inquiétude en temps de guerre, en particulier la perte de vies humaines, le Comité demande instamment à tous les gouvernements concernés d’œuvrer dans l’esprit de la Convention de La Haye pour la protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé afin de protéger les archives, les bibliothèques, les monuments et les sites ainsi que les musées, au cas où la guerre éclaterait en Irak ou dans la région.” L’inquiétude des archéologues est d’autant plus grande que la volonté américaine de renverser le régime en place est forte. L’Institut américain d’archéologie a même transmis au département de la Défense au Pentagone des cartes géographiques des sites. Coordonnée par le spécialiste du Moyen-Orient et ancien conservateur du département d’Antiquités au Getty Museum (Los Angeles), Arthur Houghton, cette initiative vise à protéger le patrimoine culturel irakien qui, lors de l’opération “Tempête du désert” en 1991, avait fait les frais de la négligence des responsables gouvernementaux. La richesse historique du pays est incomparable, et, comme l’explique l’archéologue Tim Harrison de l’université de Toronto : “Vous ne pouvez probablement pas lacher une bombe sur l’Irak sans endommager un site archéologique.”
D’après les experts, le nombre de sites non fouillés pourrait s’élever à plus de 100 000. L’archéologue John Malcolm Russell du Massachussetts College of Art est persuadé que, bien qu’ensevelis, certains risquent d’être détériorés par une intervention terrestre : “Si le plan d’attaque prévoit une invasion depuis le Koweït ou l’Arabie Saoudite, l’établissement de campements et de tranchées est vraisemblable. Au sud de l’Irak, les tertres les plus élevés recouvrent souvent des vestiges archéologiques. Les bulldozers employés pour creuser le terrain détruiront tout sur leur passage.”
Les bombardements représentent également une menace considérable car, selon Muayad Saïd, du ministère de la Culture irakien, les vibrations du sol peuvent être fatales aux monuments en pierre. Ainsi, face aux responsables militaires qui vantent la précision des frappes dites “chirurgicales”, les archéologues rappellent le lourd tribut laissé par les conflits antérieurs contre l’Iran et les alliés : en 1991, la cité ancestrale d’Ur a essuyé quatre tirs d’obus et sa célèbre ziggourat a été criblée de plusieurs centaines de balles. Cette guerre met non seulement en péril le patrimoine culturel du pays, mais son lendemain peut se révéler tragique, car l’anarchie temporaire laissera le champ libre aux pillages et trafics illicites. On se souvient de la période qui a suivi la défaite de l’armée irakienne en 1991, l’“âge d’or” pour les collectionneurs d’après John Russell, lorsque certains objets du Musée national de Bagdad, transférés à Kirkuk, Mossoul et Bassorah, furent pillés pour resurgir quelques mois plus tard sur le marché, comme cette tablette ornée d’écriture cunéiforme apparue au British Museum à Londres.
Tandis que le Musée de Bagdad se barricade, un archéologue américain conclut :”Tous ce que nous savons sur l’histoire de la Mésopotamie et celle de l’Égypte vient des études archéologiques. Sans cela, nous ne saurions rien sur l’histoire de l’humanité. Si nous considérons que les histoires de ces civilisations pourraient nous aider à comprendre notre société, il est tout simplement impensable de les détruire. Mais c’est une réflexion que peu de gens mènent.”

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : Les archéologues au secours de l’Irak

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