En Europe, les restaurateurs cherchent à respecter le concept de patine et la dimension esthétique de l’œuvre d’art. Ils enlèvent donc les vernis partiellement - en les amincissant - ou sélectivement, en laissant plus ou moins de vernis selon les manques du tableau, afin de préserver l’unité esthétique de l’œuvre d’art.
L’"allégement français". Il consiste à amincir progressivement la, - ou les couche(s) - de vernis qui se sont assombries et qui ne remplissent plus leur fonction optique de saturation des couleurs et de protection de la couche picturale. Ils forment ainsi un voile souvent brunâtre ou roux, altérant les couleurs originelles : par exemple, un bleu devient vert, etc. La "patine" dont le concept a été largement développé par Cesare Brandi et Paul Philippot, reste une notion difficile à préciser. Elle résulte d’une dégradation naturelle, liée au vieillissement des matériaux organiques constitutifs de la couche picturale.
L’état actuel "vieilli" n’est plus l’état originel, et le dévoiler crûment, par une intervention de nettoyage poussée, serait porter une grave atteinte à l’intention artistique initiale de l’auteur. C’est pourquoi l’alternative française - prudente - choisie par les musées, préconise le maintien en surface d’une fine pellicule uniforme de vernis oxydé, afin d’unifier les différences de couleurs apparues au cours du temps et qui ne devront pas être reprises au cours de la "réintégration" (retouche) picturale.
Le "nettoyage sélectif" italien. Le nettoyage sélectif, tel qu’il a été pratiqué en Italie, pour la chapelle Brancacci et pour le Printemps de Botticelli, est une évaluation critique des intentions premières de l’artiste, qui amène à tenter de compenser les altérations du temps. L’Italie pratique des techniques de réintégration ou retouches dites "visibles". Le trattegio (traits parallèles de couleur) et le pointillisme, ont pour but de ne pas masquer l’étendue des altérations restaurées. Dans un souci d’honnêteté, ces techniques se veulent nettement discernables lors de la vision rapprochée, mais invisibles de loin.
La "réintégration illusionniste" anglo-saxonne. Dans les pays anglos-saxons, la pratique générale consiste à enlever toutes les couches de surfaces assombries, pour révéler l’œuvre dans son état présent, historiquement authentique, quelles que soient les altérations que le temps lui a apportées. L’état actuel de la peinture est conçu comme le seul fait objectif, alors que l’intention de l’artiste ne peut être qu’une appréciation subjective du restaurateur.
Ce que l’on ne saisit pas, habituellement, c’est que l’apparence d’une peinture ne dépend pas tant de ce que la restauration a enlevé que de ce qu’elle a ajouté. Le rôle du restaurateur est donc de minimiser les dégradations, pour restaurer l’unité esthétique de la peinture, sans toutefois compromettre son unité historique. Les Anglo-Saxons préfèrent la technique de réintégration "illusionniste", qui consiste en retouches et reconstitutions "invisibles" visant à l’imitation parfaite de l’original et à la dissimulation des lacunes de l’œuvre,s qui apparaît alors dans son entier.
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Les approches de la restauration : Anglo-Saxons contre Latins ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Les approches de la restauration : Anglo-Saxons contre Latins ?