La restauration du Repas chez Simon, de Véronèse, a permis d’atténuer les outrages du temps tout en apportant de précieux renseignements sur les avatars de l’œuvre, les méthodes de travail du peintre et la signification religieuse de cette \"petite cène\". Ces résultats sont développés dans Le Repas chez Simon, un livre collectif qui sera publié fin novembre aux éditions Alain de Gourcuff. Un film a également été réalisé par Georges Combe. Il sera diffusé sur La Cinquième, le 26 octobre à 10h.
PARIS. "Nous nous sommes efforcés d’apaiser l’usure naturelle et de camoufler les interventions précédentes. Il aurait été illusoire de vouloir restituer l’œuvre originale", explique Marguerite Allain-Launay, coordinatrice de la restauration du Repas chez Simon, de Véronèse. L’opération a mobilisé deux spécialistes techniques, une documentaliste, des responsables juridiques et un comité d’experts pendant trois ans. La BNP a financé son coût : 2,8 millions de francs. Certains faits ont pu être confirmés ou éclaircis par cette restauration. On sait que Véronèse peignait rapidement, sans repentirs – sauf un visage d’enfant dont il a cherché la position. Les radiographies montrent le dessin sous-jacent qui fixe la composition pour les aides. Architectures et personnages secondaires ont été confiés à l’atelier ; le maître a procédé aux finitions et a réalisé les figures des protagonistes. Les modifications apportées au cours des siècles sont désormais bien connues. Peinte vers 1570, pour le réfectoire du couvent des Servites à Venise, la toile fut très tôt découpée en trois parties. Les bords s’abîmèrent et, une fois entre les mains de Louis XIV, ils furent retaillés puis rassemblés afin de reformer une œuvre unique. Ceci eut pour conséquence de rétrécir le tableau et de déformer certains éléments picturaux. En guise de palliatif, les panneaux latéraux furent décalés verticalement. Les restaurateurs ont donc décidé d’ôter les repeints anciens et de reprendre les raccords pour compenser les raccourcis maladroits. Le bas du tableau a aussi beaucoup souffert. Il a été coupé afin de mieux s’adapter au cadre qu’Antoine-François Vassé réalisa à la demande de Louis XV. À l’origine, l’étendue de sol représenté était plus importante, renforçant l’aspiration de la perspective. Selon Marguerite Allain-Launay, "une des révélations de la restauration, c’est le sentiment d’espace qui se dégage du Repas chez Simon. L’assombrissement du ciel, exécuté avec des pigments qui tournent – et non du lapis-lazuli – a pu être corrigé en partie. L’air passe désormais entre les personnages."
Restauration et interprétations
L’effet spatial de l’œuvre est une donnée essentielle. Dans la Toscane du Quattrocento, de nombreux artistes avaient joué sur l’illusionnisme des cènes qu’ils peignaient dans les réfectoires des couvents. Les moines participaient ainsi au dernier repas du Christ. Le couvent vénitien a brûlé, le tableau a été tronqué, il est donc difficile de reconstituer l’effet d’ensemble. Néanmoins, les archives corroborent les résultats apportés par la restauration : l’architecte Sansovino venait de redécorer le réfectoire quand Véronèse a été chargé du Repas chez Simon. Les architectures peintes, de style palladien, correspondaient peut-être aux éléments architectoniques et décoratifs de la pièce. L’étude menée par Claire Constans, conservatrice en chef des peintures au château de Versailles, et Jean Habert, conservateur des peintures au Louvre, permet d’élucider les choix iconographiques du tableau. Mélange de plusieurs épisodes des Évangiles, ce repas serait une préfiguration de la Cène, de la trahison de Judas et de l’embaumement du corps du Christ. En complément, les thèmes du repentir et de la charité, chers à l’ordre des Servites, seraient introduits par le texte du phylactère, issu de la parabole des brebis égarées.
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« Le repas chez Simon » : Véronèse se met à table
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°46 du 24 octobre 1997, avec le titre suivant : « Le repas chez Simon » : Véronèse se met à table