La CAPA fait renaître de ses cendres l’ancien Musée des monuments français et lui adjoint un bref musée d’architecture.
PARIS - Après avoir entrebâillé ses portes au printemps, la Cité de l’architecture et du patrimoine (CAPA), à Paris, dévoile enfin le cœur de son projet, qui fut aussi le plus délicat à mettre en œuvre : l’ultime mutation de l’ancien Musée des monuments français (MMF) en grand musée de l’architecture en France. Plus de dix années auront été nécessaires pour transformer cette institution à l’histoire chaotique (lire le JdA no 255, 16 mars 2007, p. 16-17). Héritier du Musée de sculpture comparée inventé par Viollet-le-Duc (1814-1879) et ouvert en 1882 dans une aile du Palais de Chaillot, le MMF est né lui-même d’une modernisation des collections et du bâtiment à l’occasion de l’Exposition universelle de 1937. Autant de stratifications historiques, architecturales et muséographiques dont il aura été difficile de se défaire et qui auront fortement contraint le projet. Sur le papier, l’utilisation des collections de grands moulages architectoniques, destinées initialement à la glorification de l’art monumental français médiéval et renaissant, s’annonçait délicate dans le contexte d’un musée d’architecture. Le résultat, pourtant attractif et séduisant, le confirme.
Une « galerie moderne et contemporaine »
Les nostalgiques du Musée des monuments français, fermé depuis 1997 après avoir été victime d’un incendie, le retrouveront avec plaisir élégamment rénové et élagué de nombreux moulages. Au musée sombre, encombré et poussiéreux, succède une galerie Davioud à la verrière rénovée, aux cimaises rouge pompéien et aux collections restaurées et rigoureusement choisies. Les grands portails historiés de Moissac (Tarn-et-Garonne), Vézelay (Yonne), Chartres (Eure-et-Loir) ou de la Chartreuse de Champmol (Côte-d’Or) constituent autant de séquences incontournables de l’histoire de l’art sur lesquelles les étudiants pourront de nouveau gloser ou exercer leur crayon. Quelques nouveautés viennent toutefois replacer dans leur contexte architectural ces grands moulages : bornes audiovisuelles avec reconstitution en trois dimensions des édifices, cartels informatifs. La collection de maquettes du MMF, jadis reléguée dans les réserves, y retrouve par ailleurs une place légitime. Ainsi de cet ensemble d’études illustrant les différentes typologies de charpentes ou encore de cette coupe sur le contre-butement du chevet de la cathédrale de Beauvais (Oise), qui raviront les amateurs de techniques de construction. Comme prévu et conformément à l’esprit d’un Viollet-le-Duc contempteur de l’architecture classique, les XVIIe et XVIIIe siècles se résument à une belle maquette du disparu couvent des Minimes de François Mansart et à quelques décors sculptés, terrible raccourci qui laissera sur leur faim les vrais amateurs d’histoire de l’architecture. Une échappatoire leur est toutefois offerte grâce à deux ascenseurs panoramiques qui permettent de prendre instantanément de la hauteur et de filer vers la très attendue « galerie moderne et contemporaine », déjà rebaptisée « GAMC ».
Seule création ex nihilo, celle-ci constitue aussi le véritable (mini)-musée d’architecture de la CAPA. Du Crystal Palace de Joseph Paxton, unique échappée extraterritoriale, à la Tour sans fin de Jean Nouvel, la GAMC couvre les années 1851-2001, soit cent cinquante ans au cours desquels la discipline s’est profondément renouvelée.
Contrairement aux galeries de moulages, une présentation thématique a toutefois été préférée au fil chronologique. « Nous avons choisi de montrer que l’architecture n’est pas une discipline autonome, mais qu’elle répond aux demandes d’une société, explique en exégète Francis Rambert, directeur du département architecture. Nous avons donc écarté toute analyse stylistique et glorification du monument au profit du projet, grâce à deux axes thématiques : l’art de construire et les rapports à la société. » Un triptyque vidéo réalisé par le collectif Egocentric introduit à trois thèmes clés de l’architecture d’aujourd’hui : densité, mobilité, urbanité. Douze sujets sont ensuite déclinés (logement, métier d’architecte, préfabrication, architecture des loisirs…) sur de grandes tables croisant les documents et les maquettes. 70 % d’entre elles ont été spécialement conçues pour la galerie, avec une volonté pédagogique évidente et efficace qui saura satisfaire professionnels et simples curieux. L’ensemble se poursuit par la reconstitution à échelle réelle d’un appartement de la Cité radieuse de Le Corbusier, dont la loggia domine la galerie. Des expositions temporaires, la première étant consacrée à l’enveloppe architecturale, constitueront le prolongement contemporain des collections permanentes.
Office du tourisme
Déjà rassasié, le visiteur ne devra pourtant pas manquer ce qui constitue l’une des belles surprises de la CAPA : la « galerie des peintures murales et des vitraux ». Déployée sur deux niveaux, sous une lumière tamisée parfois flatteuse, celle-ci propose une sélection des copies de peintures murales et de vitraux du XIIe au XVIe siècle, répliques réalisées de 1937 à 1970 dans l’esprit des grands moulages. Exécutées sur des toiles marouflées, les peintures ont pu être remises en scène dans leur contexte architectural par Jean-François Bodin, maître d’œuvre des lieux, et habilement complétées d’éléments d’information sur leur provenance. De la grande voûte de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne) à la crypte de Tavant (Indre-et-Loire), cet étonnant conservatoire de copies constitue un inventaire condensé des richesses artistiques disséminées dans toute la France. Faisant de cet équipement hybride qu’est la CAPA l’un des plus efficaces offices du tourisme patrimonial hexagonal.
1, place du Trocadéro-et-du-11-Novembre, 75116 Paris, tél. 01 58 51 52 00, www.citechaillot.fr, lundi, mercredi et vendredi 12h-20h, jeudi 12h-22h, samedi et dimanche 11h-19h.
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Le Phénix de Chaillot
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°265 du 21 septembre 2007, avec le titre suivant : Le Phénix de Chaillot