Pour leur 23e édition, les 16 et 17 septembre, les Journées européennes du patrimoine offrent cette année encore leur lot de découvertes. Le « Journal des Arts » vous propose sa sélection.
CHAÂLIS - Rares sont aujourd’hui dans l’histoire de l’art les découvertes de cette envergure. Après plusieurs mois de travaux de restauration, les fresques de la chapelle Sainte-Marie de l’abbaye royale de Chaâlis (Oise), propriété de l’Institut de France, bénéficient d’une attribution irrévocable à Francesco Primaticcio, dit le Primatice (1504-1570). Connues de longue date, ces peintures du XVIe siècle, lourdement restaurées en 1875 -1876 par les frères Paul et Raymond Balze, faisaient encore récemment l’objet de débats entre historiens de l’art, hésitant entre une paternité du maître de Fontainebleau ou de son élève, Niccolo dell’Abbate (v. 1509-1571). Les études stylistiques, menées notamment par Sylvie Béguin, viennent d’être confortées par les analyses entreprises dans le cadre de la dernière campagne de restauration. Elles ont permis d’aboutir à une datation circa 1543-1545, excluant de fait Nicolo dell’Abbate, arrivé en France en 1552. Le comité scientifique présidé par Jean-Pierre Babelon a donc tranché sur la question en attribuant les peintures de la voûte et du revers de la façade à Primatice, ce qui fait de ce décor l’un des rares témoignages de peinture religieuse de l’artiste bolonais. Toutefois, si ce dernier est l’auteur des cartons préparatoires, il n’en a probablement pas dirigé l’exécution, étant alors absorbé par les décors de la galerie d’Ulysse de Fontainebleau (disparus).
Restait cependant à savoir ce qui avait pu attirer le peintre de François Ier dans cette abbaye picarde, éloignée de Fontainebleau. La présence des armes et de la devise de la famille d’Este dans la chapelle constitue une indication précieuse. La venue de Primatice serait en effet liée à la nomination en 1541 comme abbé commendataire d’un Italien, le cardinal Hippolyte d’Este. Fils de Lucrèce Borgia et frère d’Hercule II, duc de Ferrare, le prélat était versé dans les arts et les humanités. Ses mœurs semblent même avoir été inspirées par le Livre du courtisan de Baldassare Castiglione, un ouvrage publié à Venise en 1528 et devenu rapidement le manuel de savoir-vivre de la haute société transalpine. Amateur d’art, Hippolyte sollicita les Italiens bellifontains, dont l’architecte Sebastiano Serlio. Celui-ci lui construisit l’hôtel de Grand-Ferrare à Fontainebleau (détruit), premier exemple d’adaptation du type de la villa italienne à l’hôtel particulier français. Souhaitant laisser sa trace à Chaâlis, le cardinal d’Este commanda à Primatice ce cycle peint, largement inspiré du plafond de la Sixtine de Michel-Ange.
Complété au XIXe siècle par des draperies peintes en trompe l’œil et une frise de blasons – qui ont également été restaurés –, le programme iconographique comprend une scène d’Annonciation, exécutée au revers de la façade, et un ensemble incluant les Pères de l’Église, les Apôtres, les Évangélistes et les instruments de la Passion portés par des angespeints sur les voûtains. Les tonalités claires et la suavité des personnages de l’Annonciation dénotent quelques accointances avec la peinture de Raphaël, alors que la vigueur des figures masculines de la voûte évoque la plastique de Michel-Ange.
60300 Fontaine-Chaâlis, tél. 03 44 54 04 02, www.chaalis.fr, tlj 10-18h. Exposition « Le courtisan », consacrée au cardinal Hippolyte d’Este, jusqu’au 31 décembre ; visite de la chapelle Sainte-Marie à partir du 17 septembre.
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Le patrimoine fait sa rentrée
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°242 du 8 septembre 2006, avec le titre suivant : Le patrimoine fait sa rentrée