NANTES
Le nouveau projet du Musée Dobrée à Nantes est une fois de plus contesté par la même association, qui avait déjà fait annuler un projet de rénovation en 2014 et réclame un simple réaménagement dans le style du monument.
Nantes. Et si l’histoire se répétait ? À Nantes, certains l’espèrent, d’autres le craignent : le futur projet du Musée Thomas Dobrée est à nouveau contesté, après un premier projet annulé en 2014.
Ce musée en plein cœur de ville, fruit de la réunion du palais Dobrée – achevé en 1899 et de style néomédiéval – et du manoir de la Touche – résidence épiscopale du XVe siècle – appelé aussi manoir Jean V, est le rêve de Thomas Dobrée (1810-1895), fils d’armateur, plus friand d’histoire et d’art que de transport maritime. À la tête d’une immense fortune, il consacre sa vie à l’acquisition d’une collection de plus de 10 000 pièces, peintures, estampes, orfèvrerie, mobilier, tapisserie, autour du Moyen Âge et de la Renaissance, et à la « folie » architecturale inspirée de Viollet-le-Duc, qui accueille sa collection. À sa mort en 1895, il lègue au Département l’ensemble immobilier et les collections pour en faire le Musée départemental de Loire inférieure (actuel département de Loire-Atlantique). Charge au Département de faire respecter ses dispositions testamentaires, qui stipulent, entre autres, que « tous travaux d’achèvement ou constructions neuves et complémentaires devront être exécutés dans le style du Monument et autant que possible sur les plans laissés par M. Dobrée, aussi bien pour les bâtiments que pour les jardins. »
Cependant, le musée, depuis sa création, a largement évolué. En fusionnant le noyau Dobrée et les collections de la Société archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure, puis en s’enrichissant au fil des années par des dons, des legs et des acquisitions, le musée compte aujourd’hui plus de 135 000 œuvres. En 1974, une première extension moderne est construite, le bâtiment dit « Voltaire », pour abriter l’administratif et les collections d’archéologie. Durant les années 2000, le Département voit grand et choisit en 2009 un projet ambitieux conçu par Dominique Perrault : une extension en sous-sol grâce à une grande dalle vitrée et un miroir d’eau dans le jardin, pour un coût non négligeable de 47 millions d’euros.
Vent debout contre ce projet jugé « pharaonique », Nantes Patrimoine, une association de défense du patrimoine nantais, attaque le permis de construire au nom des dispositions testamentaires de Thomas Dobrée et du respect du plan local d’urbanisme. Elle obtient gain de cause en 2012, puis en appel en 2014. En 2016, le Conseil général relance un concours de maîtrise d’œuvre, remporté en 2017 par une équipe constituée de l’Atelier Novembre (pour l’architecture), de l’Agence Sempervirens (pour le paysage) et du Studio Adeline Rispal (pour la scénographie).
Dévoilé en juillet 2017, le projet, avec un budget plus sobre (25 millions d’euros dont 15 millions hors taxes pour le projet architectural lui-même) rationalise les espaces. Grâce à l’externalisation des réserves, de l’espace est libéré dans les trois bâtiments existants. Le palais Dobrée sera dévolu aux expositions permanentes, le manoir Jean V aux expositions temporaires, le bâtiment Voltaire étendu accueillant l’espace d’accueil, les ateliers, la librairie-boutique et un restaurant. Une extension métallique est accolée au manoir Jean V, pour y placer un ascenseur, obligatoire en circuit PMR (personnes à mobilité réduite), et un parvis en pente est créé devant l’accueil. Depuis juillet 2017, ateliers participatifs et réunions publiques ont été organisées par le Département avec les riverains et les amoureux des lieux et du musée, pour expliquer démarche architecturale et projet culturel.
Cette transparence n’a pas convaincu l’association Nantes Patrimoine, qui a décidé fin février de s’opposer à nouveau au projet de rénovation en déposant un recours contre le permis de construire, une fois celui-ci déposé. En cause, l’extension moderne sur le manoir Jean V et la disparition d’espaces verts autour des bâtiments : « Ce nouveau projet est en tout contraire à l’esprit du legs de Thomas Dobrée », selon l’association, qui souhaite que le musée soit simplement rénové et rouvert, afin de « préserver l’unité architecturale du Musée Dobrée». Ce recours n’étant pas suspensif, le Département a annoncé par communiqué « poursuivre le travail entrepris pour pouvoir rouvrir le Musée Dobrée dès la fin 2021 », tout en plaidant pour un projet « totalement différent de celui annulé en 2012 » en première instance, comportant « un jardin fortement revégétalisé, en libre accès et avec des jeux pour les enfants ».
« An dianav a rog ac’hanon » (l’incertitude me dévore), dit la devise de Thomas Dobrée gravée au fronton du musée : en attendant la décision du tribunal administratif, la devise reste vraie.
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Le Musée Dobrée peine à voir le jour
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°520 du 29 mars 2019, avec le titre suivant : Le Musée Dobrée peine À voir le jour