Le Musée d’arts de Nantes vient de s’offrir un objet aussi atypique qu’intime, étoffant ainsi sa remarquable collection surréaliste.
Artiste touche-à-tout, l’Italo-Argentine Leonor Fini (1907-1996) fréquente assidûment les représentants du réalisme magique en Italie, et se rapproche donc tout naturellement des surréalistes quand elle s’installe à Paris, au début des années 1930. Sa beauté, sa fantaisie et son chic en font d’emblée une des égéries du groupe. Protégée par Paul Éluard et proche de Max Jacob, elle s’impose rapidement comme une des figures du groupe, tant par son style que par ses créations pluridisciplinaires inclassables.
Tour à tour peintre et designeuse, elle développe un style inimitable nourri d’onirisme et d’érotisme où abondent sphinges, chimères et femmes énigmatiques. Ses personnages féminins sont parfois hybridés avec des formes végétales ou animales, ce qui accroît encore le trouble. Chantre de la femme émancipée et créatrice, elle intègre une dimension autofictionnelle très forte dans son travail, se prenant comme principal modèle et brouillant constamment les frontières entre l’art et la vie.
Son goût prononcé pour la fête et le théâtre l’incite à créer décors et costumes de scène. Au lendemain de la guerre, elle travaille ainsi pour une trentaine de pièces, y compris pour les institutions les plus prestigieuses, telles que l’Opéra de Paris ou la Scala de Milan. Sa passion pour les costumes s’inscrit plus largement dans une obsession du déguisement. L’artiste fait ainsi sensation dans les soirées mondaines, parée de costumes fantastiques, tantôt hibou, tantôt reine des enfers.
La pièce maîtresse est évidemment le masque. L’artiste en invente de toutes sortes : imitant les traits d’un chat ou couvert de pierres, sans oublier ce masque constellé de mouches en métal plus vraies que nature. Exécuté pour un bal des années 1940, il était à l’origine bleu, mais son velours a pâli au fil du temps. À la fois œuvre d’art et objet usuel, le masque a en effet été exposé. Cette sacralisation ne l’empêchait pas de le porter puisqu’il a gardé des traces de maquillage.
Ce témoignage intime de l’inventivité de cette artiste encore trop rarement exposée et collectionnée en France a été proposé au Musée d’arts de Nantes par la Galerie Pauline Pavec pour 40 000 euros. Le vendeur mandaté par la galerie, un membre de la famille de l’écrivain Jean Paulhan, souhaitait de préférence le vendre à une institution publique. Le musée s’est imposé comme une évidence, de par sa politique d’enrichissement volontaire en faveur du surréalisme et des artistes femmes.
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Le Masque aux mouches de Leonor Fini
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°762 du 1 mars 2023, avec le titre suivant : Le "Masque aux mouches" de Leonor Fini