PARIS
Le musée se défend d’avoir atteint au droit moral de Cy Twombly, auteur d’un plafond peint pour une des salles antiques.
Paris. « Ce sera un jugement important pour le devenir de l’art contemporain dans les lieux patrimoniaux », affirme Xavier Près, qui défend le Musée du Louvre contre le fils de Cy Twombly et la Fondation Cy Twombly. Les deux héritiers du droit moral de l’artiste décédé en 2011 reprochent au musée d’avoir dénaturé la salle des Bronzes pour laquelle l’artiste a peint un plafond monumental (Ceiling, 2010). « Changer la nature du sol, la texture et la couleur des murs altère totalement le sens et la perception [de l’œuvre], et la défigure »,témoigne à charge Henri Loyrette contre le musée qu’il a dirigé de 2001 à 2013. Les requérants demandent au tribunal judiciaire de Paris un euro au titre du préjudice moral (mais 25 000 euros tout de même au titre de l’article 700). Dans le même temps, ils se réservent le droit de saisir le tribunal administratif aux fins de solliciter la remise en état de la salle des Bronzes, seule juridiction compétente pour ordonner cela.
Sur le fond, le Louvre a érigé plusieurs lignes de défense. S’agissant de l’atteinte au droit moral, il place le débat sur le terrain des (« prétendues ») atteintes intellectuelles à l’œuvre, étant entendu « qu’il n’y a aucune atteinte physique à la toile de Twombly ». La charge de la preuve de l’atteinte au droit moral incombe aux demandeurs, à qui il revient de prouver que l’artiste aurait désapprouvé la modification de la salle. « La jurisprudence est plus stricte avec les représentants d’artistes », précise Xavier Près, ajoutant au passage que Cy Twombly a cédé au musée les droits patrimoniaux sur l’œuvre.
Une jurisprudence qui serait, selon l’avocat, abondante. « Le Louvre a parfaitement le droit de faire vivre son bâtiment pour répondre à des besoins nouveaux, ce que savait Cy Twombly car le contrat énonce clairement dans son préambule que le Louvre n’est pas un lieu figé. »
Pour caractériser une atteinte au droit moral, la justice devra mettre en balance des intérêts opposés. « Deux prérogatives s’affrontent dans ce litige, explique le conseil du musée, le droit moral de l’artiste et les droits du propriétaire qui sont très solides. En tout état de cause, le Louvre est légitime à modifier la couleur des murs de la salle des Bronzes. »
La procédure devant le tribunal judicaire devrait prendre entre dix-huit et vingt-quatre mois, sauf incidents de procédure qui, selon leur issue, peuvent rallonger les délais ou, au contraire, mettre fin au litige prématurément sans que la question au fond ne soit tranchée. À cela s’ajoute l’éventuelle procédure devant le tribunal administratif, puis les appels des décisions de ces deux juridictions, puis les éventuels pourvois en cassation… Le délai risque de s’étendre au-delà du premier mandat de Laurence des Cars.
D’ailleurs, que va faire Laurence des Cars, la nouvelle présidente-directrice de l’établissement public à partir du 1er septembre, date de son entrée en fonction ? Va-t-elle assumer le nouveau décor de la salle des Bronzes, voulu par Jean-Luc Martinez (« et que toutes les instances publiques ont validé », rappelle Xavier Près), et défendre le musée jusqu’au bout ? Ou suivra-t-elle Henri Loyrette – qui avait commandé l’œuvre – dans sa charge contre le musée et remettra-t-elle la salle dans son décor des années 1950 ?
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Le Louvre droit dans ses droits face aux héritiers Twombly
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Le Louvre droit dans ses droits face aux héritiers Twombly