Fondation

Éditorial

Des goûts et des couleurs

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2021 - 386 mots

PARIS

Art et patrimoine. La Fondation Cy Twombly reproche au Louvre d’avoir dénaturé l’œuvre de l’artiste américain, marouflée sur le plafond de l’ex-salle des bronze antiques, en peignant les murs en marron et en ajoutant un parquet et des boiseries (noires).

De notre point de vue, ce nouveau décor dissone avec la couleur bleu intense du plafond, ou l’inverse. Le procès intenté par la Fondation soulève cependant la question des œuvres pérennes dans les monuments historiques.

Fallait-il accepter une œuvre aussi présente et engageante de l’artiste dans un espace majeur ? Il ne s’agit pas de critiquer la présence de l’art contemporain dans des lieux patrimoniaux – nous y sommes favorables –, mais d’interroger la pertinence des choix. Autant les vitraux de François Morellet (Esprit d’escalier, 2010) s’insèrent parfaitement dans l’escalier Lefuel du même Louvre (comme – dans une moindre mesure – la toile Athanor d’Anselm Kiefer, installée depuis 2007 dans un autre escalier), autant cet immense plafond peint n’est pas très heureux et même pesant. Un ciel plus léger de Lombardie aurait été préférable à ce bleu azur des îles grecques.

Mais, comme les Oiseaux de Braque dans la salle attenante (qui jurent tout autant avec les boiseries dorées), l’œuvre est là et il faut faire avec. Faut-il pour autant sacrifier l’unité du décor du réaménagement en cours des salles étrusques et italiques et garder ad vitam æternam l’enduit imitant la pierre de taille et le sol de marbre ? Ce n’est pas notre point de vue. Le retour à un « état 1860 » est plus conforme à l’esprit de cette partie du palais, bien plus que le faux décor minéral des années 1950. Ce compromis, si la justice déboute la Fondation, préserve les intérêts fondamentaux de chacun.

Ce (mauvais) procès ne sert pas en tout cas les intérêts des artistes d’aujourd’hui. Les monuments historiques vont réfléchir à deux fois avant d’accepter des décors pérennes dans leurs murs. Mais peut-être n’auront-ils même plus à se poser la question : l’avenir ne réside plus dans l’œuvre physique mais dans le « crypto-art », si l’on en croit la vente pour 70 millions de dollars d’une œuvre virtuelle. Il suffira de disposer d’un écran relié à Internet et de faire apparaître une œuvre. Ce n’est fort heureusement qu’un cauchemar, et l’on peut gager que les prochaines ventes d’œuvres « NFT » feront pschitt.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°563 du 19 mars 2021, avec le titre suivant : Des goûts et des couleurs

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