Allemagne - Musée

Le futur musée d'art moderne de Berlin n’est pas assez écoresponsable

Par Alexandre Clappe · lejournaldesarts.fr

Le 2 décembre 2022 - 627 mots

BERLIN / ALLEMAGNE

Le Museum der Moderne prévu pour 2026 serait trop cher et trop énergivore selon plusieurs spécialistes.

Projet du futur Museum der Moderne de Berlin © Herzog & de Meuron
Projet du futur Museum der Moderne de Berlin

Le nouveau musée d'art du XXe siècle à Berlin, conçu par les architectes suisses Herzog & de Meuron entre la Neue Nationalgalerie, le Kulturforum et la Philharmonie, ambitionne de devenir l’équivalent berlinois du Moma et la Tate Modern. Il fait néanmoins l'objet de nombreuses critiques de la part de conservateurs et d'architectes pour ses piètres performances environnementales, alors que la crise inflationniste intensifie la question de l’efficacité et de la sobriété énergétiques.

Le Museum der Moderne, ou « Museum des 20. Jahrhunderts » (« Musée du 20e siècle »), qui coûtera 450 millions d'euros au lieu des 179 estimés initialement, consommera plus d'énergie que de nombreux autres musées anciens de la capitale allemande. Stefan Simon, expert en sciences de la conservation, a estimé sa consommation annuelle à 450 kilowattheures d'énergie par mètre carré : environ quatre fois la quantité requise par l'Altes Museum, construit en 1830. Pour cette raison, il a qualifié le musée d’art moderne de « Klimakiller » (« tueur de climat ») loin des objectifs de neutralité climatique de l'UE. 

Les critiques ont également visé l'utilisation massive de béton pour la structure, dont la fabrication entraîne de fortes émissions de dioxyde de carbone. De plus, la structure interne en espace ouvert et les grandes fenêtres nécessiteront un système de ventilation très coûteux pour maintenir à niveau les normes thermiques et d'humidité pour les œuvres d'art et les visiteurs. Nikolaus Bernau, un critique d'architecture, a ainsi qualifié le bâtiment de « désastre absolu qui dépasse toutes les attentes » à la station de radio Deutschlandfunk Kultur. « Principalement en raison du fait qu'il est totalement perméable à l'air. Les coûts de ventilation impliquant le chauffage en hiver et la climatisation en été seront immenses » a-t-il ajouté.

La Cour fédérale des comptes allemande a déclaré que le projet était « hors de prix et non écologique ». Elle a souligné qu’étant financé par l'argent des contribuables allemands, les architectes devaient revoir leur copie. Dans un récent article d'opinion paru dans Die Zeit, Tobias Timm, expert du monde de l'art germanophone, est allé plus loin en exhortant la ministre de la Culture Claudia Roth - représentante des Verts - d’arrêter temporairement le projet durant toute la période de crise énergétique. La ministre a réagi en demandant la révision du projet et la prise d’une série de mesures visant à réduire le gaspillage d'énergie, telles que la diminution de l’utilisation du béton, la récupération de l'eau de pluie et l'installation de panneaux solaires. 

Le Bundestag vient ainsi d’accorder une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros, prélevée sur le budget de cette année, afin rendre le musée plus écoresponsable. La manière d'y parvenir sera annoncée au printemps. Mais le cofondateur d'Herzog & de Meuron, Jacques Herzog, a déjà laissé entendre que cela impliquera l'utilisation de matériaux recyclés et de l'énergie photovoltaïque. « Nous ne pouvons changer les matériaux que dans une mesure limitée, car les musées ont des exigences qui nécessitent beaucoup de béton, a-t-il déclaré à la chaîne publique allemande ZDF. Mais nous avons maintenant beaucoup de matériaux recyclés, comme du béton recyclé. Et le toit sera équipé d'une sorte de centre énergétique avec des panneaux solaires »

Mais plusieurs experts ont jugé ces suggestions insuffisantes ; Tobias Timm a ainsi indiqué que les panneaux photovoltaïques installés sur le toit seraient purement « cosmétiques ». De même, Stefan Simon estime que les panneaux solaires ne couvriraient qu'environ 10 % de la demande d'électricité du bâtiment.

Le nouveau musée, qui fait partie d'un remaniement majeur du paysage muséal de Berlin, est en discussion depuis des décennies. Il devrait rassembler une importante collection d'œuvres d'art de la seconde moitié du XXe siècle, aujourd'hui dispersées dans plusieurs institutions allemandes - ou qui ne peuvent être exposées dans l'actuelle Neue Nationalgalerie faute de place - et être achevé en 2026.

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