En 1990, Chaumont, en Haute-Marne, accueillait les premières Rencontres internationales d’arts graphiques. Aujourd’hui, ce festival a sa maison, d’anciens silos reconvertis en médiathèque et en centre international des arts graphiques. La Maison du livre et de l’affiche de Chaumont est un véritable enjeu culturel.
CHAUMONT - À l’échelle d’une commune de 30 000 habitants, Chaumont-sur-Marne vient d’ouvrir son Beaubourg. La ville a investi 40 millions de francs dans un centre culturel moteur, la Maison du livre et de l’affiche.
La capitale de la Haute-Marne avait été le théâtre des premières Rencontres internationales d’arts graphiques, organisées par Alain Weill en juin 1990. Mais il manquait un véritable équipement pour accueillir un événement qui avait attiré, en juin dernier, 365 affichistes venant de quarante pays.
La Maison du livre et de l’affiche est le grand projet de Cyril de Rouvre, industriel du sucre, qui a conquis la mairie en 1988. Le potentiel existait. Gustave Dutailly, député, professeur de botanique, collectionnait les affiches à la fin du siècle dernier. Il a légué 10 000 affiches, constituant un fonds qui s’est enrichi de précieuses pièces anciennes, dont 236 manuscrits du XIIe au XVIIe siècle et 146 incunables.
La Maison du livre et de l’affiche est conçue comme une médiathèque et un musée. La Bibliothèque municipale, qui vivait à l’étroit dans les murs d’un ancien couvent, a gagné ce nouveau centre multimédia qui s’est installé dans un lieu connu de tous : la coopérative agricole. Située en limite de la commune, tout près de la gare, la "Maison" participe à la régénération d’un tissu urbain fortement désaffecté. Entouré d’un hôtel aux allures de pensionnat et d’une banque dramatiquement moderne avec ses façades réfléchissantes, le nouveau centre culturel se distingue par sa sobriété.
Lauréats du concours, les frères Rubin (atelier Canal) ont hérité d’une vieille carcasse, des silos construits dans les années trente. Ces jeunes architectes, auteurs de nombreux bâtiments culturels (Bibliothèque Jean-Pierre Melville à Paris, bureaux de la direction des Musées de France...) se sont faits connaître en réussissant l’installation du journal Libération dans un ancien garage.
L’ensemble à réhabiliter concernait deux constructions jumelles sans véritable intérêt architectural, mais tellement porteuses de mémoire que leur mutation a été jugée préférable.
Les Rubin ont bien tiré parti de cet ensemble massif : les poteaux-poutres scandent l’espace, et les silos à grains ont été transformés en boîtes à lecture. Les enfants peuvent y trouver un endroit pour s’immerger dans leur lecture favorite ou visionner des vidéos. À l’intérieur, une grande faille court sur toute la hauteur du bâtiment. Les planchers sont ainsi décollés du mur, ce qui aère la lourde structure. Les architectes ont beaucoup travaillé sur la matière, la lumière et la couleur. La façade a troqué son air austère pour une physionomie plus aimable. Les petites ouvertures sont devenues grandes, et la brique a laissé la place au bois.
Les Rubin n’hésitent pas à utiliser la couleur dans tous leurs projets. À Chaumont, les sols ne sont pas neutres. Une teinte "évêque" s’est emparée des grands plateaux, et un orange très "année cinquante " agrémente tous les espaces d’accueil. Sur les murs, un jus bleu vient donner une couleur délavée au béton brut. "L’idée était de réaliser plus qu’un simple équipement culturel, un bâtiment qui génère autre chose", souligne Patrick Rubin.
Ce centre a bénéficié des subventions du ministère de la Culture, qui a financé près de la moitié du bâtiment (direction du Livre, 15 millions de francs, direction des Musées de France, 4 millions de francs). Il n’est cependant pas totalement achevé. Si la médiathèque est opérationnelle, le musée – lui – reste à construire. Les deux parties seront reliées par un passage couvert qui assurera une nouvelle liaison entre la ville et la gare. Le musée va faire l’objet d’une seconde tranche, prévue pour 1996 : un cube de 1 100 m2, semi enterré et recouvert par un jardin. Cette toiture végétale est dessinée par la paysagiste californienne Martha Schwartz, qui s’est fait une spécialité des "jardins graphiques", et dont on a pu voir le travail au Festival des jardins de Chaumont-sur-Loire.
Maison du livre et de l’affiche, 5 avenue Foch, 52 000 Chaumont
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Le festival a sa maison
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Le festival a sa maison