Une fois par mois, nous invitons un conservateur à choisir une œuvre de son musée qu’il souhaite mettre en avant et faire mieux connaître au public. Hélène Pinet, en charge des collections photographiques du Musée Rodin, a sélectionné une photographie d’Henry Cammas.
Cette vue de Karnak appartient à un ensemble de 114 photographies, remarquables par leur qualité, prises par Henry Cammas au cours d’un voyage en Égypte en 1860. Pourquoi et comment ce fonds exceptionnel se trouve-t-il au Musée Rodin ?
Le sculpteur a, dès 1880, exploité le médium photographique comme outil de travail et pour la diffusion de son œuvre. La collection qu’il rassemble représente donc surtout des portraits, ses sculptures et celles de ses contemporains. En 1916, il donne cet ensemble de 7 000 photographies à
l’État, en même temps que ses œuvres, ses archives et ses collections, en échange de la création d’un musée à l’hôtel Biron. Ce fonds s’est enrichi au fil des ans, et avec une cohérence involontaire, de dons faits par diverses personnalités. C’est dans les archives documentaires de Léonce Bénédite, conservateur du Musée du Luxembourg et premier conservateur du Musée Rodin en 1919, que nous avons trouvé un portfolio contenant les photographies d’Henry Cammas. Le seul lien qui apparaît – mais nous n’en sommes qu’au tout début de nos recherches – entre Léonce Bénédite et l’Égypte, c’est son frère Georges, égyptologue de renom. Conservateur au musée du Louvre, Georges Bénédite s’est rendu dix-neuf fois sur les bords du Nil entre 1887 et 1926. Peut-être a-t-il entraîné Léonce au cours d’un de ses périples ou encore l’a-t-il tout simplement sensibilisé à cette civilisation redécouverte au XIXe siècle.
Mais revenons à Henry Cammas. Ce Parisien, dont nous ignorons tout, décide à 46 ans de réaliser un voyage digne de ce nom. Après avoir rêvé de la Chine, il s’embarque pour l’Égypte, accompagné de sa femme et chargé d’un appareil photographique. La fin de l ‘année 1859 les voit accoster à Alexandrie puis remonter le Nil pendant neuf mois. Installant un laboratoire de fortune au milieu des ruines, il photographie les sites archéologiques avec talent et une certaine jubilation qui transparaît dans ses propos : “Les trésors des siècles sont tous là enfermés dans cette caisse... fixés sur un verre fragile, ils vivront à jamais”.
De retour en France, il engage un jeune poète, André Lefèvre, pour rédiger le récit de son périple. Ensemble, ils signent et publient aux éditions Hachette, en 1862, La vallée du Nil, impressions et photographies. Un an plus tard, le critique de L’Illustration salue à juste titre le choix du rédacteur : “Rien de plus amusant et de plus curieux que ce livre, qu’on est tenté de relire aussitôt après l’avoir lu”. Des travaux photographiques de Cammas, nous ne connaissons à ce jour que ceux de son voyage au pays des pharaons. Mais à eux seuls, ils justifient que nous rajoutions un nom sur la liste prestigieuse des voyageurs photographes du XIXe, où figurent déjà Maxime du Camp, Greene, Le Gray ou encore Teynard.
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Le choix du conservateur : Hélène Pinet
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°100 du 3 mars 2000, avec le titre suivant : Le choix du conservateur : Hélène Pinet