Une fois par mois, nous invitons un conservateur à choisir une œuvre de son musée qu’il souhaite mettre en avant et faire mieux connaître du public. Emmanuel Bréon, conservateur du Musée des Années 30 de Boulogne-Billancourt, a sélectionné une huile sur toile de Bernard Boutet de Monvel.
Élève de Luc-Olivier Merson, de Dampt et de son père, Louis-Maurice, l’illustrateur bien connu de contes pour enfants (Vieilles chansons et rondes pour les enfants, Chansons de France pour les petits Français, Les fables de La Fontaine), Bernard Boutet de Monvel fut membre de la Société nationale des beaux-arts et du Salon des Tuileries de 1923 à 1928. Il établit sa réputation sur son talent de portraitiste mondain où dominent sa stylisation élégante et ses coloris raffinés (Portrait du maharadjah d’Indore, portrait du comte de Quinsonas). L’artiste disparaîtra tragiquement en 1949 dans un accident d’avion au large des Açores en même temps que Marcel Cerdan et Ginette Neveu. Le Pensionnat de Nemours, toile très attachante pour le sujet choisi et la manière dont il est traité, montre qu’il est encore, en 1909, sous l’influence de son père. Il évoluera par la suite vers un réalisme dépouillé aux formes simplifiées.En uniforme, capeline et chapeau noir, ces petites filles avancent, en rangs d’oignons et par ordre de taille, d’un pas tranquille vers la droite de la composition. Deux par deux, certaines semblent converser, d’autres regardent le bout de leurs pieds ou les alentours immédiats. Seule, droite et imperturbable, une sœur en cornette les suit en les couvant d’un regard qu’on imagine bienveillant. La mobilité du cortège est accentuée par le fond du tableau occupé entièrement par deux rangées de platanes qui ont perdu leurs feuillages et un alignement de petites maisons rurales traité presque en camaïeu. Comme pour en atténuer la tristesse, une infinie tendresse émane de cet instantané de vie. Boutet de Monvel a-t-il imaginé une suite à sa “bande dessinée” ? Quel est le destin de ces petites filles esseulées ? Dans cette marche vers un avenir incertain, leur solidarité naissante semble être leur seul atout. Dix ans nous séparent de cette première acquisition importante du Musée des Années 30. Cette œuvre très attachante fut achetée, le cœur battant, lors d’une vente prestige à Drouot-Montaigne. Tapi dans l’ombre, muni du droit de préemption dévolu aux Musées Nationaux, je pus l’emporter fort heureusement, dans un combat inégal, contre le milliardaire Gunther Sachs.
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Le choix du conservateur : Emmanuel Bréon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°117 du 15 décembre 2000, avec le titre suivant : Le choix du conservateur : Emmanuel Bréon