Musée - Palmarès

Paris : des scores contrastés

Le Centre Pompidou en tête du palmarès des musées des grandes villes

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 18 juin 2014 - 1384 mots

PARIS

Si les grands musées nationaux parisiens occupent les quatre premières places de ce classement, les musées de la Ville de Paris font preuve d’un beau dynamisme. Le Musée des beaux-arts de Lyon est le premier en région.

Le Musée national d’art moderne-Centre Georges Pompidou (Mnam) arrive en tête du classement des musées dans les grandes villes, rang tenu l’année dernière par le Musée du Louvre. Dans le jeu de chaises musicales en tête de classement, la victoire semble acquise à celui qui se distinguera de manière exceptionnelle. Précisons par ailleurs que le Mnam, le Louvre (2e) et le Quai Branly (3e) diffèrent non seulement par leurs collections, mais aussi par le public qu’ils attirent – 44 % d’étrangers, 85 % de visiteurs payants et 4,86 % de scolaires pour le Mnam ; 70 % d’étrangers, 62,3 % de visiteurs payants et 7,4 % de scolaires pour le Louvre ; 20 % d’étrangers, 43,7 % de visiteurs payants et 17 % de scolaires pour le Quai Branly.

Dans le palmarès 2013, le Musée du Louvre affichait les records de fréquentation – avec les expositions « Raphaël » et « La Sainte-Anne » – et l’acquisition de la Grande Pietà de Jean Malouel (v. 1400), classée trésor national, avait ostensiblement enflé les chiffres de son mécénat (dont 7,8 millions versés par Axa). Si le Louvre accuse une chute sensible de son nombre de visiteurs (-4 %), les chiffres 2013 restent en hausse par rapport à 2011. Enfin, le musée est parmi les rares à afficher une société des amis en progression ( 2,9 %).

Malgré une chute sensible de sa fréquentation (-1,2 %, par rapport à une année 2012 également historique) et l’échec du trop coûteux Centre Pompidou Mobile, le Mnam doit sa première place principalement à l’addition d’acquisitions majeures se montant à près de 198 millions d’euros. À part les deux œuvres d’Henri Matisse offertes par Barbara Duthuit, dont le superbe Marguerite au chat noir (1910), et une partie des archives photographiques d’Harry Shunk et Janos Kender donnés par la Fondation Lichtenstein, le musée n’a pas souhaité nous livrer de détails sur des acquisitions pourtant publiques.

Malgré une politique d’expositions dynamique, les efforts fournis pour toucher un public varié et la donation Jacoulet de près de 3 000 dessins et aquarelles (5 millions d’euros), le Quai Branly n’a pas décollé de sa 3e place, freiné par une fréquentation payante en berne (-11,45 %) et une baisse de ses recettes commerciales (-5,8 %). S’il ne manque pas d’investir pour ces expositions temporaires, le Musée d’Orsay ne bouge pas non plus de sa 4e place, accusant lui aussi une baisse des recettes commerciales (-8,7 %) et de ses visiteurs payants (-7,69 %) sur fond de baisse globale de la fréquentation (-3,1 %) – « L’Ange du bizarre » et « Masculin-Masculin » n’ont pas su rivaliser avec « L’Impressionnisme et la mode » et « Degas et le nu ».

Les atouts des musées de la Ville de Paris
La tendance marquante de ce palmarès 2014 est le retour en force des musées de la Ville de Paris. Entre la création d’un établissement public dirigé par Delphine Lévy et la nomination de nouveaux directeurs de musée, dont celle de Christophe Leribault à la tête du Petit Palais (9e, 10 places), les musées parisiens sont entrés dans une spirale vertueuse. Les grandes expositions de qualité (« Keith Haring » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (11e) ; « Jordaens » au Petit Palais), comme les réouvertures des musées Zadkine et Galliera, ont donné des ailes à la fréquentation globale. L’accès gratuit des collections permanentes est un atout important des musées de la Ville de Paris qui, contrairement aux grands musées de la capitale dont les tarifs d’entrée sont en augmentation constante (lire l’encadré), parviennent à capter un tourisme francilien en hausse ( 8,2 % d’arrivées hôtelières en 2013). La création à l’automne 2013 de la Carte Paris Musées (valable un an) pour un accès illimité et privilégié aux expositions temporaires – à ne pas confondre avec le Paris Museum Pass – devrait conforter cette évolution et fidéliser le public parisien. Reste à la nouvelle maire de leur allouer des budgets d’acquisition adéquats…

En régions, le Musée des beaux-arts de Lyon (5e) gagne deux places et décroche la première place de sa catégorie. Au succès de l’exposition « Joseph Cornell et les surréalistes » s’ajoute l’acquisition de deux paysages de Jean-Honoré Fragonard, grâce au Club du musée Saint-Pierre. Après une année 2012 faste portée par le succès de « Corps et ombres » sur le caravagisme européen, le Musée Fabre de Montpellier (7e) se maintient grâce à ses expositions à la fois exigeantes et grand public. Enfin le travail du nouveau directeur des Abattoirs de Toulouse (8e, 10 places) porte ses fruits. « Les Pléiades », première manifestation collective des Fracs à l’occasion de leur trentième anniversaire, ont attiré les foules ( 37 % de visiteurs ; 112 % de visiteurs payants). Si les acquisitions et le mécénat se portent bien mieux que la moyenne, les efforts à fournir pour rajeunir le public pourraient être bénéfiques à long terme.

Le mécénat en petite forme

Annoncé dans le rapport de l’Admical sur le mécénat culturel (lire le JdA n° 411, 11 avril 2014), l’année 2013 n’a pas été très tendre avec les musées français. Les plus belles progressions relèvent d’actions ponctuelles. Pour mener à bien l’acquisition du Saint Jude Thaddée de Jusepe de Ribera, le Musée des beaux-arts de Rennes (36e) a su saisir l’opportunité des souscriptions publiques et a récolté 50 000 euros en quelques mois ( 1 250 %). Le Musée de l’Orangerie (25e) a explosé ses compteurs avec le mécénat d’entreprise pour les expositions « Les Macchiaioli » et « Frida Khalo » ( 2 500 %). Parmi les plus fortes chutes, les Arts décoratifs (13e), musée associatif qui dépend du mécénat, est le plus directement touché (-45,2 %). Son nouveau directeur Olivier Gabet va devoir se retrousser les manches.

Billet unique, tarif augmenté

Depuis quelques années se répand une pratique symptomatique de la difficile autonomie financière des établissements publics. En lieu et place d’une tarification variée (collections permanentes et/ou expositions temporaires), un billet global d’accès au musée est désormais imposé aux visiteurs. Si le prix de ce billet unique est généralement moins élevé que celui d’un billet combiné, ce tarif se révèle plus cher que le seul accès aux collections permanentes. Depuis 2006, le Centre Pompidou a instauré un tarif global, réduit de 2 euros lorsqu’aucune des deux grandes galeries d’expositions temporaires n’est ouverte. Entre 2008 et 2012, ce tarif a observé une hausse progressive de 30 %, passant de 10 à 13 euros. Le Centre est allé jusqu’à instaurer un billet « panorama », qui donne accès à la terrasse du 6e étage pour la modique somme de 3 euros !
Dans la catégorie grand écart, le billet jumelé du Musée d’Orsay (collections et grandes expositions temporaires) a graduellement enflé de 7,50 euros en 2006 à 12 euros en 2012, soit une hausse de 60 % ! Depuis le 1er janvier 2014, le visiteur n’a plus le choix entre les espaces permanents (9 euros) et temporaires (12 euros) et doit s’acquitter d’un billet global de 11 euros. L’institution justifie son choix par la logique du réaménagement de ses espaces, rappelle que l’accès global des jeunes de moins de 26 ans reste gratuit et souligne que l’augmentation pèse surtout sur les visiteurs étrangers, un public acquis et peu prompt à visiter les expositions temporaires. Faire payer les touristes pour mieux attirer le public local : l’opération est leste et lucrative.
Le Musée Rodin a lui aussi ajusté ses tarifs en 2012, en passant de 6 euros pour les collections à 9 euros pour un billet global, ce au moment où l’hôtel Biron s’engageait dans une vaste campagne de rénovation réduisant le parcours de visite permanent de moitié. Rappelons que le musée est un cas unique car non-subventionné. Une modification de ce tarif est, sans surprise, prévue pour la réouverture du site parisien qui sera intégralement rénové à la mi-2015. Dans ce microcosme, le Quai Branly fait figure d’exception en offrant, depuis son ouverture en 2007, un billet unique à 8,50 euros. Depuis le 1er janvier 2014, il est cependant passé à 9 euros.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Le Centre Pompidou en tête du palmarès des musées des grandes villes

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