Après vingt ans de discussions, de projets multiples, et maintes campagnes de protestation des partis politiques et des groupes de pression, le « quartier des Musées » est en passe de devenir enfin une réalité à Vienne. Le Leopold Museum, le Musée d’art moderne et la Kunsthalle devraient s’installer dans les anciennes Écuries impériales, sur le Ring.
VIENNE - L’ensemble des Hofstallungen – les Écuries impériales – devrait bientôt se transformer en “Beaubourg viennois”. En 1716, l’empereur Charles IV avait chargé l’architecte Johann Bernhard Fischer von Erlach de dessiner de nouvelles écuries à proximité de la Hofburg. Achevé en 1725, le bâtiment a été agrandi un siècle plus tard, et le grand manège couvert a été édifié au même moment au cœur du futur “Museumsquartier”. L’ensemble a été donné en 1921 à la société de gestion de la Wiener Messe, la foire de Vienne, qui y a fait construire quelques pavillons dans les années quarante. Dans ce lieu prestigieux, elle a accueilli jusqu’en 1995 des expositions commerciales, mais aussi des manifestations culturelles, en particulier dans le cadre du festival annuel des “Wiener Festwochen” (les Semaines viennoises).
Les premières réflexions sur la transformation des Hofstallungen pour y redéployer les musées nationaux datent de 1977. Cependant, il a fallu attendre 1986 pour que soit lancé un concours international, auquel ont participé quatre-vingt-huit architectes. En 1990, le cabinet de Laurids et Manfred Ortner a été déclaré lauréat. Mais leur projet a rencontré de fortes résistances et un nouveau projet leur a été commandé un an plus tard. Une tour de verre et d’acier, haute de 67 mètres, qui devait recevoir la bibliothèque, a déchaîné plus de critiques encore. I.M. Pei, l’architecte de la pyramide du Louvre, est même intervenu dans la querelle en déclarant que “les nouveaux édifices ne semblent se rattacher en aucune façon au complexe de Fischer von Erlach et ils courent le risque de briser l’un des plus beaux horizons d’Europe”.
Les deux variantes suivantes n’ont pas davantage rencontré de consensus. En 1994, le projet semblait définitivement enterré, avant de réapparaître avec la décision de l’État autrichien et de la municipalité de la capitale d’acquérir la collection de Rudolf Leopold. Ce médecin viennois avait en effet subordonné la cession de ses 5 200 œuvres – dont 46 tableaux d’Egon Schiele – à la construction d’un espace d’exposition pouvant les accueillir. Le “Museumsquartier” est alors immédiatement apparu comme le site idéal. Pour ce nouveau défi, les frères Ortner ont bénéficié, en 1995, du concours de Manfred Wehdorn, chargé des bâtiments placés sous la tutelle des Beaux-Arts. Leur projet a enfin fait l’unanimité en mai 1997. Ce dernier comprend le Leopold Museum (6 286 m2), le nouveau Musée d’art moderne (6 805 m2) – actuellement abrité dans le palais Lichtenstein –, et la nouvelle Kunsthalle de la Ville de Vienne – aujourd’hui provisoirement installée dans un grand baraquement de la Karlsplatz – qui sera rattachée à une salle polyvalente installée dans le manège couvert (4 016 m2). Cette version prévoit, pour les trois nouvelles constructions, une hauteur maximale de 24 mètres et, contrairement au premier projet, la conservation quasi intégrale des bâtiments historiques. Les architectes ont finalement reçu l’imprimatur des Beaux-Arts en octobre dernier. Le critique d’art Walter Zschokke s’est cependant interrogé sur ce “produit des années quatre-vingt-dix, plus discret et voué à l’économie. Mais il convient naturellement de se demander si cette dernière version, si peu spectaculaire, pourra satisfaire la volonté autrichienne de se mettre au diapason international”.
Outre les musées prévus dans le projet d’Ortner et Wehdorn, l’ensemble doit également accueillir le Centre d’architecture de Vienne, le Musée du tabac, le Musée des enfants, plusieurs ateliers d’artistes, la Lomographische Gesellschaft, des réserves pour les œuvres d’art, 6 000 m2 de logements, 2 000 m2 de bureaux, des restaurants et des boutiques. La société austro-allemande Philipp Holzmann, qui a remporté l’appel d’offres, doit aménager le “quartier” d’ici la fin de l’an 2000, pour un coût de 1,5 milliard de schillings autrichiens (715 millions de francs).
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Le « Beaubourg viennois » est en bonne voie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°75 du 22 janvier 1999, avec le titre suivant : Le « Beaubourg viennois » est en bonne voie