Intelligence artificielle (IA)

L’authenticité d’un portrait de Renoir certifiée par un algorithme 

Par Alexandre Clappe · lejournaldesarts.fr

Le 23 novembre 2022 - 698 mots

ZURICH / SUISSE

Une société suisse a développé une intelligence artificielle permettant d’améliorer l’authentification des tableaux. 

Détail du « Portrait de femme (Gabrielle) », attribué avec 80 % de chances à Pierre-Auguste Renoir par une intelligence artificielle développée par Art Recognition. © Art Recognition
Détail du Portrait de femme (Gabrielle), attribué avec 80 % de chances à Pierre-Auguste Renoir par une intelligence artificielle développée par Art Recognition.
© Art Recognition

L'intelligence artificielle est de plus en plus utilisée pour aider à déterminer si des œuvres d'art de valeur sont vraies ou fausses. D’après le Guardian,  la start-up zurichoise Art Recognition vient d’attribuer, grâce à une technologie qu’elle a développée, une œuvre intitulé Portrait de femme (Gabrielle) à l’artiste Pierre-Auguste Renoir. Le tableau, qui appartient à un collectionneur helvète, avait eu son attribution refusée par le Wildenstein Plattner Institute - l'un des deux instituts qui publient un catalogue raisonné des œuvres connues de Renoir .

Pour ce faire, Art Recognition a utilisé des reproductions photographiques de 206 tableaux authentifiés de la main de l'impressionniste français pour enseigner à l’algorithme le style du peintre, caractérisé par des coups de pinceau brisés et des combinaisons audacieuses de couleurs complémentaires. Afin d'accroître la précision, l'entreprise a également divisé les images en petites parcelles et les a montrées à l'algorithme, tout en l'entraînant sur une sélection de tableaux d'artistes au style similaire et actifs à la même époque que Renoir. Sur la base de cette évaluation, l'algorithme a conclu qu'il y avait 80,58 % de chances que Portrait de femme (Gabrielle) ait été peint par Renoir.

Le Dr Carina Popovici, PDG d'Art Recognition, estime que cette capacité à chiffrer le degré de certitude est importante. S'exprimant lors d'une réunion sur l'utilisation de la technologie dans le commerce de l'art au Art Loss Register à Londres, elle a déclaré : « Les propriétaires d'œuvres d'art se font souvent expliquer par les connaisseurs que c'est leur "impression" ou leur "intuition" qui détermine si une peinture est authentique ou non, ce qui peut être très frustrant. Ils apprécient vraiment le fait que nous soyons plus précis ».

Encouragé par ce résultat, le propriétaire du tableau s'est adressé à un autre groupe d'experts, Dauberville & Archives Bernheim-Jeune, qui publie son propre catalogue raisonné des œuvres de Renoir. Après avoir demandé une analyse scientifique des pigments du tableau, ils ont également conclu qu'il s'agissait d'un Renoir authentique.

Mais les spécialistes relèvent que la précision de l'algorithme est trop dépendante de la qualité des peintures avec lesquelles il a été entraîné. En présence d'un faux ou d’une copie, ou si des zones contiennent des retouches, le degré de certitude serait beaucoup plus faible. L’historien de l’art britannique Bendor Grosvenor, connu pour ses redécouvertes de peintures de maîtres, craint que ces technologies ne dévalorisent la contribution des experts à l'évaluation de l'authenticité d'une œuvre d'art. « La technologie est particulièrement faible en raison de son incapacité à prendre en compte l'état d'une peinture. De nombreux tableaux de maîtres anciens sont endommagés et défigurés par des couches de saleté et de surpeinture qui rendent difficile de discerner ce qui est original et ce qui ne l'est pas », a-t-il également ajouté.

« Portrait de femme (Gabrielle) », attribué avec 80 % de chances à Pierre-Auguste Renoir par une intelligence artificielle développée par Art Recognition. © Art Recognition
Portrait de femme (Gabrielle), attribué avec 80 % de chances à Pierre-Auguste Renoir par une intelligence artificielle développée par Art Recognition.
© Art Recognition

Carina Popovici convient que la qualité des données d'entraînement est importante, assurant que son entreprise n'utilisait que des photographies d'œuvres d'art authentiques.

« Nous voulons sincèrement donner la possibilité [aux connaisseurs] d'utiliser ce système pour les aider à prendre une décision, peut-être dans les cas où ils ne sont pas si sûrs. Mais pour que cela se produise, il faut qu'ils soient ouverts à cette technologie » a-t-elle expliqué. Jusqu'à présent, Art Recognition a entraîné son IA à reconnaître 300 artistes, la plupart impressionnistes français et maîtres anciens. Il y a un mois déjà, la start-up avait annoncé avoir déterminé que le seul Titien détenu en Suisse - une œuvre intitulée Paysage de soirée avec couple (1518-1520), appartenant au Kunsthaus de Zurich - n'était probablement pas peint par l'artiste vénitien.

Julian Radcliffe, le président de l'Art Loss Register, qui gère la plus grande base de données privée au monde sur les œuvres d'art, antiquités et objets de collection volés se veut consensuel : « L'intelligence artificielle […] doit être alliée à l'expertise de connaisseurs spécialistes de l'artiste, à une science de l'analyse des pigments, et à la détermination de la provenance de l’œuvre. Son avantage réside dans sa capacité à donner des réponses par oui ou par non […] et à s'améliorer constamment, mais son travail doit être interprété par un humain qui doit poser la bonne question ».
 

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