Art Loss Register, nouvelle base de données, a permis en 3 ans de retrouver des œuvres d’art pour une valeur de 22 millions de dollars (125,5 millions de francs). Cela ne représente qu’une faible part du milliard de dollars que vaut l’ensemble des œuvres d’art volées enregistrées dans la base. Mais c’est un début !
LONDRES - Depuis trois ans, la base de données Art Loss Register a enregisté 38 000 œuvres, et a joué un rôle crucial pour en récupérer 416. Les objets volés sont intégrés au Register à la demande des propriétaires, des maisons d’assurance ou de la police. Ils sont divisés entre Beaux-arts et Arts décoratifs. La peinture représente 39 % du total, la sculpture 11 %. Les Arts décoratifs, parmi lesquels on trouve des céramiques, des horloges, du mobilier, des bijoux, de la statuaire de jardin, de l’argenterie, des tapis et des instruments musicaux, constituent 50 % du total. En termes de valeur, le plus grand nombre d’objets a été volé aux États-Unis, suivi de près par la Grande-Bretagne, la Suisse, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et la Scandinavie.
Parmi les récents succès, on compte la récupération d’un autoportrait de Meyer de Haan (1890), ami de Gauguin : propriété d’un collectionneur new-yorkais, d’une valeur de 600 000 dollars, il n’était plus dans sa caisse au retour d’une exposition au Japon, le 25 août 1992. Un agent du FBI, qui avait des tuyaux sur le tableau, contacta la base de données. Son enregistrement permit au FBI de le retrouver : il aurait été volé à l’intérieur de l’aéroport Kennedy.
Le Register souhaite agrandir sa couverture européenne. La police italienne communiquera la liste complète des 200 000 œuvres d’art volées recensées. La République tchèque, qui affronte une importante vague de vols d’œuvres d’art, fournit des détails sur ses œuvres perdues. La Bosnie pourrait suivre. On est en train d’intégrer les listes d’œuvres pillées par l’Allemagne nazie et par l’Armée rouge.
Un répertoire d’œuvres volées
"Nous fournissons la plus importante liste jamais compilée d’œuvres d’art volées", affirme James Enson, Président-directeur général d’Art Loss Register. Même s’il existe des publications mensuelles sur les vols d’art, tel IFAR Reports et Trace, le Register affirme être la seule base de données, intégrant des illustrations, accessible aux collectionneurs et au marché. Quelques polices nationales ont leur fichier informatisé de vols d’art, mais ils sont à usage interne. Interpol seul a une couverture internationale.
Deux autres bases de données fournissent des services différents : dirigé par le Control Risk Group, le Art and Antiques Recording Service possède la description et la photographie des œuvres. En cas de vol, ces éléments sont communiqués à la police, à Interpol, aux maisons de ventes et aux organisations de marchands. À partir des catalogues de ventes, Thesaurus, qui manie 4,5 millions de lots venant de 500 maisons britanniques de ventes aux enchères, peut également faire des vérifications. Le 21 juin, elle a lancé un service, passant par la police, qui permet aux collectionneurs, pour une somme modique, d’être avertis si une œuvre volée passe aux enchères. Mais le Art Loss Register reste le seul système spécialisé dans l’enregistrement des peintures et objets d’art volés.
Parmi les actionnaires du Register, on trouve l’Ifar (fondation internationale pour la recherche artistique), installée à New York, Christie’s, Sotheby’s, Phillips et Bonhams, la Society of London Art Dealers (SLAD) , la British Antique Dealer’s Association (BADA), deux groupes européens de marchands (CINOA et FIDOAO), la Lloyd’s et d’autres sociétés d’assurance.
Protéger les marchands, les musées et les policiers
Les quatre grandes maisons de ventes aux enchères britanniques – Christie’s, Sotheby’s, Phillips et Bonhams – utilisent Art Loss Register. En 1993, 120 enquêtes sur des objets suspects permirent d’en identifier onze. Le Register vérifie aussi les catalogues de ventes : 3 500 lots – sur plusieurs centaines de milliers – étaient des œuvres volées. Deux exemples récents : l’examen du catalogue de peinture ancienne de Sotheby’s Amsterdam pour la vente du 10 mai révéla que Nymphes se baignant dans un étang, peinture de Gennaro Greco, datée de 1700, estimée 20 000/30 000 florins (60 000/91 000 francs) était sur la liste du Register. Elle avait été volée le 23 mai 1993 à Horsham (Sussex). On apprit peu avant la vente Christie’s du 11 mai à Amsterdam, grâce au Register, que Sangliers se reposant dans un chemin sableux de Joost Droohsloot, 1650, estimé 80 000/120 000 florins, soit entre 244 000 et 365 000 francs, avait été volé en octobre 1993.
Les musées commencent à vérifier leurs acquisitions auprès du Register. Le Metropolitan Museum de New York et le Getty Museum en ont fait la demande pour tout achat supérieur à 35 000 dollars, soit 200 000 francs environ. Les marchands sont moins enclins à vérifier leur stock. "Nous n’avons que quelques demandes par semaine", explique James Enson . "Nous consulter peut les obliger à écarter des achats avantageux et leur faire passer beaucoup de temps avec la police." La London and Provincial Antique Dealer’s Association doit bientôt rejoindre le Register comme actionnaire, ce qui peut encourager davantage de marchands à utiliser ses services. Mais le Bada et Slad, déjà actionnaires, n’ont que quelques membres qui l’utilisent régulièrement.
Scotland Yard, le FBI, et la compagnie d’assurances Larmtjanst (Suède), ont négocié la possibilité d’un accès direct à la base de données. Le Art Loss Register ouvrira une succursale à Paris, l’automne prochain, soutenue par la compagnie d’assurances AXA. Des discussions sont aussi en cours avec les douanes américaines sur la possibilité d’installer des terminaux dans les aéroports des États-Unis.
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Une banque de données des objets d’art volés
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Site Internet de l'Art Loss Register
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Une banque de données des objets d’art volés