L’atelier de Rosa Bonheur mis en vente

THOMERY - La cloche du château de By (Seine-et-Marne) ne cesse de sonner ce mercredi 20 août. Dans la cour, à l’entrée de la propriété, Éliane Foulquié accueille d’un sourire les visiteurs tout en continuant à brosser à grands traits le portrait de Rosa Bonheur. « Elle a vécu ici de 1859 à sa mort en 1899. Rosa Bonheur a été un véritable monstre sacré au XIXe siècle. Elle a connu un immense succès de son vivant grâce à des tableaux comme le Labourage nivernais conservé au Musée d’Orsay et le Marché aux chevaux qui se trouve au MET », explique la présidente des Amis de Rosa Bonheur. Depuis l’annonce début août dans la presse locale de la mise en vente du château de By, les visites guidées de l’atelier Rosa Bonheur affichent complet. « Rien n’a changé depuis sa mort », explique le guide qui accompagne les visiteurs dans l’atelier aux murs noircis, le petit bureau aux étagères remplies de livres de Cuvier et de Buffon et la chambre de Rosa Bonheur. On ne trouve ici aucune œuvre majeure, mais des esquisses, des dessins et quelques sculptures, des portraits d’elle, un grand tableau inachevé représentant des chevaux au galop et aussi sa blouse, son chapeau, sa palette, la Légion d’honneur que lui remit l’impératrice Eugénie en 1865… ainsi qu’une permission de travestissement l’autorisant à porter le pantalon, à cheval et sur les foires aux bestiaux.

L’âme du village
Le château de By, propriété de la famille Sorrel, héritiers d’Anna Klumpke, la légataire universelle de Rosa Bonheur, a été mis en vente pour 3,5 millions d’euros au mois de juillet par Christie’s international real estate. La propriété comprend plusieurs corps de bâtiments dont l’atelier de Rosa Bonheur et un parc de 3 hectares limitrophe de la forêt de Fontainebleau. En 2005, le château avait été proposé à la vente une première fois sans succès pour le prix de 6 millions d’euros. Cet été, ni l’association des Amis de Rosa Bonheur, ni la mairie de Thomery pourtant liée depuis 1982 aux propriétaires des lieux par une convention l’autorisant à faire visiter l’atelier n’ont été avertis de la mise en vente. « Ce serait dramatique pour la commune si l’atelier n’était plus accessible au public, explique Bruno Michel, le maire de Thomery. Nous mettons tout en œuvre pour réunir, s’il le faut, les fonds nécessaires pour acquérir et conserver dans notre giron ce château atelier qui est l’âme de notre village et un haut lieu du patrimoine culturel et touristique de Seine-et-Marne ». La direction des affaires culturelles d’Île-de-France et la préfète, Nicole Klein, qui s’est rendue sur place fin juillet, ont été saisies du dossier. Chargé de la protection des monuments historiques à la DRAC, Florent Tesnier s’est empressé d’annoncer, lors d’une visite à Thomery, une réunion de la Commission régionale du patrimoine et des sites en vue de l’inscription du château-musée au titre des Monuments historiques. « Nous ne disposons pas d’instrument juridique contraignant sur les propriétaires », précise Jean-Pascal Lanuit, le directeur adjoint de la Drac Île-de-France, contacté par téléphone le 21 août. Fin août, aucune date de réunion de cette commission amenée à se prononcer sur une éventuelle procédure de classement ou d’inscription du château de By n’avait encore été fixée.

Une « Maison des illustres »
Pour Jean-François Hebert, le président de l’établissement public du château de Fontainebleau où sont conservés une vingtaine de toiles et une trentaine de dessins de l’artiste, le classement du château de By n’aurait pas grand sens. « Ce n’est pas une propriété de premier ordre. En revanche, l’atelier-musée ne nous laisse pas indifférent. Il existe peu d’ateliers d’artistes demeurés en l’état et accessibles au public », poursuit Jean-François Hebert qui dit vouloir faire son possible pour que ce lieu culturel ne disparaisse pas.

À ce jour, l’atelier Rosa Bonheur bénéficie uniquement du label Maisons des illustres créé en 2011 par l’ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Celui-ci ne confère pas de protection juridique au lieu. Il vise seulement à mettre en valeur des maisons qui ont abrité des hommes et des femmes qui se sont illustrés dans l’histoire de la France en leur donnant une meilleure visibilité.
Parmi les premiers candidats acquéreurs figuraient, fin août, les gérants de la guinguette Rosa Bonheur installée depuis 2008 au parc des Buttes Chaumont à Paris. Ceux-ci ont finalement renoncé à l’achat faute de moyens financiers suffisants. « Nous espérons néanmoins pouvoir soutenir les initiatives de préservation du monument », souligne, un rien énigmatique, Christophe Vix-Gras, associé de l’entreprise de restauration.