Le Metropolitan Museum of Art de New York vient de réaménager la plus grande salle de son département d’Art africain pour y exposer, entre autres, une partie de la collection de cent cinquante chefs-d’œuvre du Bénin donnée par le marchand Klaus Perls et sa femme Amelia, en 1991.
NEW YORK (de notre correspondant) - Avec environ soixante-dix têtes, personnages, ornements et plaques architecturales en cuivre moulé ou en ivoire gravé, exécutés entre les XVIe et XXe siècles pour la cour royale du Bénin, la donation Perls est assurément le clou de la réorganisation de la plus grande des salles d’art africain du Met. Alors que l’ancienne présentation ne proposait qu’une ou deux plaques rectangulaires en relief – illustrant les exploits des rois défunts, les Obas, et de leurs guerriers –, la nouvelle en regroupe plus d’une douzaine, dans une mise en scène qui évoque leur contexte original, à l’époque où ces plaques recouvraient les piliers du palais royal.
Outre la collection Perls, cet espace, d’une surface de 700 m2 environ, accueille les œuvres d’art du Bénin de la Michael C. Rockefeller Memorial Collection, reçues en donation en 1970 – parmi lesquelles un extraordinaire masque-pendentif en ivoire représentant une reine-mère –, ainsi que des sculptures Yorouba et Igbo (Sud-Est du Nigeria), Akan (Ghana et Côte-d’Ivoire), Louba (Zaïre), et de Sierra Leone. Des objets en argent réalisés par les peuplades Fon du Bénin, des têtes-reliquaires Fang du Gabon (dont la "Grande Bieri" qui a appartenu à Paul Guillaume, puis au sculpteur Jacob Epstein), des objets du Cameroun donnés par les missionnaires Paul et Clara Gebauer, ainsi qu’une nouvelle section consacrée à l’art des perles en Afrique du Sud sont également exposés : en tout, quatre cent cinquante pièces provenant de toutes les régions de l’Afrique sub-saharienne.
Art primitif et peinture moderne
Selon Julie Jones, conservateur du département des Arts africains, océaniens et américains, les pièces en provenance du royaume du Bénin sont les plus recherchées, et pour plusieurs raisons : l’ancienneté (certaines remontent au XVIe siècle, voire davantage), les matériaux utilisés (cuivre et ivoire, au lieu du bois, plus commun et fragile), l’iconographie (de vigoureux personnages, rendus avec les détails de leurs costumes) et sa relative familiarité (l’art du Bénin est connu depuis un siècle, c’est-à-dire avant celui des autres ethnies qui peuplent le continent).
Klaus Perls, né à Berlin en 1912, a émigré aux États-Unis en 1935. Il écrit dans le catalogue édité par le Metropolitan : "J’ai commencé à acheter des œuvres d’art africain sans intention de les collectionner ou de les vendre, simplement pour les exposer dans ma galerie de Madison Avenue, à Manhattan, aux côtés des œuvres d’artistes de la génération de Picasso que je vendais. Mais, rapidement, ma prédilection s’est fixée sur l’art du Bénin."
Le royaume du Bénin est resté indépendant jusqu’à la fin du XIXe siècle. Au mépris des interdits, des officiers britanniques visitèrent la capitale le jour de la fête annuelle en l’honneur des rois défunts. Ils furent immédiatement massacrés, et les Anglais lancèrent une expédition punitive en 1897. Après avoir détruit la cité royale, ils pillèrent les trésors de la Cour. La majeure partie fut vendue au British Museum de Londres et au Museum für Völkerkunde de Berlin, qui conservent aujourd’hui les deux plus importantes collections d’art du Bénin au monde. Le royaume perdure aujourd’hui dans l’actuel Nigeria, indépendamment de la République du Bénin, située plus à l’Ouest.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’art du Bénin prospère au Met
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°22 du 1 février 1996, avec le titre suivant : L’art du Bénin prospère au Met