Avec l’inauguration d’un étage entier consacré à l’art américain de la première moitié du siècle, le Whitney Museum peut enfin sortir ses chefs-d’œuvre des réserves, et revendiquer pour l’Amérique d’après 1900 la même autorité que le MoMA pour l’Europe de cette époque. Le musée new-yorkais recentre ainsi sa mission vers une présentation pédagogique des collections permanentes, après avoir créé l’événement pendant plusieurs années avec ses expositions thématiques très engagées et controversées.
NEW YORK (de notre correspondant) - Le Whitney Museum of American Art possède l’une des plus remarquable collections d’art américain du XXe siècle au monde, mais la plupart des œuvres dormaient jusqu’à présent dans les réserves, faute de place. Depuis 1991, les programmes du musée – rétrospectives à mi-parcours, biennales controversées, expositions thématiques sur des sujets tels que le viol, la politique et la race – l’ont davantage fait connaître pour ses tendances “chic et choc” que pour son ensemble majeur d’art moderne.
L’inauguration le 4 avril de dix nouvelles salles, au cinquième étage et dans la mezzanine arrière du bâtiment dessiné par Marcel Breuer en 1966, permet une transformation radicale de l’établissement, avec une augmentation d’un tiers de la surface totale d’exposition. Le restructuration a été confiée à l’architecte Richard Gluckman. À un projet de jardin de sculptures sur le toit, on a préféré la création de salles supplémentaires en repoussant les murs extérieurs.
Les travaux ont été financés grâce à une récolte de fonds de 45 millions de dollars (environ 280 millions de francs), menée par le président Leonard Lauder et sa femme Evelyn, qui ont personnellement apporté 5 millions. Le nouvel étage porte leur nom.
Une collection unique
Les “salles Lauder” exposent environ 125 tableaux et sculptures, 20 dessins, 30 estampes et 60 photographies, toutes ces œuvres étant datées entre 1900 et 1950. Selon le directeur du musée, David Ross, “ces salles permettent aux collections de servir d’environnement aux expositions, fournissant ainsi des références historiques aux programmes originaux qui caractérisent le Whitney.” Adam Weinberg, conservateur de la collection permanente, insiste de son côté sur le fait qu’”il n’existe nul autre endroit, à New York, où l’on puisse passer en revue d’un seul coup l’ensemble de l’art américain du début du siècle.” Le MoMA et le Metropolitan Museum possèdent plusieurs chefs-d’œuvre de cette époque, mais l’un et l’autre en montrent relativement peu, et uniquement dans le contexte de la création européenne contemporaine.
En créant la première présentation historique adéquate de cette période, le Whitney Museum comble un manque réel. Désireux de “montrer aux non-spécialistes un aperçu de l’évolution de l’art américain”, Adam Weinberg et son assistante Beth Venn ont opté pour une chronologie souple, dans laquelle les œuvres de chaque période sont réparties par affinités stylistiques.
Une extension hors les murs ?
L’accrochage “chapitre par chapitre” commence par les artistes de l’Ashcan School, soutenus jadis par le fondateur du musée. Il s’attache ensuite à l’apparition du Modernisme, avec l’Armory Show de 1913 du groupe Stieglitz. Suivent l’exploration des motifs urbains et industriels par les précisionnistes, dans les années vingt et trente, puis les tendances sociales réalistes et régionalistes qui prévalent durant la Dépression. Le parcours se clôt sur l’Abstraction moderniste et le Surréalisme, venus d’Europe, jusqu’à la veille de l’Expressionnisme abstrait. L’après-guerre sera exposé à un autre étage, qui reste à déterminer. Trois salles monographiques, respectivement consacrées à Edward Hopper, Alexander Calder et Georgia O’Keeffe, ponctuent cette progression.
Les administrateurs du Whitney Museum s’efforceraient de trouver les moyens de s’étendre, peut-être hors les murs, afin de pouvoir présenter à la fois la totalité de la collection et des expositions temporaires. L’ouverture des salles Lauder ne serait que la première phase de cette transformation cruciale.
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L’art américain célébré
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : L’art américain célébré