Petit bijou parmi les musées londoniens, la Wallace Collection dévoile sa grande galerie, entièrement réaménagée après deux ans de travaux.
LONDRES - Cœur battant de la Wallace Collection, la grande galerie du musée national britannique a pris son temps, près de deux ans, pour se refaire une beauté du sol au plafond. Située dans les beaux quartiers de Londres, la Wallace Collection est un coffret à bijoux d’un autre temps, renfermant une collection exceptionnelle de peintures européennes du XIVe au XIXe siècle, de sculptures, d’armures, de mobilier et d’objets décoratifs européens – citons L’Escarpolette (1767) de Jean-Honoré Fragonard et Le Cavalier riant (1624) de Frans Hals entre autres trésors.
Les deux ans de travaux ont obligé les conservateurs à réorganiser l’accrochage et à mener une réflexion sur ce qu’allait abriter la grande galerie nouvelle version. Les portraits britanniques du XVIIIe siècle ont ainsi laissé place aux grands maîtres de la peinture européenne du XVIIe siècle, si bien qu’une quinzaine des quelque 75 tableaux qui la composent ont été renouvelés.
L’idée de ce nouvel accrochage original est une plongée au cœur du siècle d’or, très riche sur le plan des échanges entre artistes européens, lesquels partaient nombreux hors de leurs frontières en quête de mécènes ou de sujets d’inspiration, à l’instar de Rubens, Vélasquez, le Lorrain ou Poussin. Les conservateurs ont tenu à ce mélange inhabituel entre écoles du Nord et du Sud, une approche originale grâce à laquelle on peut mesurer, sur un seul mur, la proximité de palette entre un Rubens qui inspire le jeune Philippe de Champaigne, ceci en parfait contraste avec les couleurs chaudes et la touche bien plus douce de Murillo. Présentées dans un somptueux décor de meubles Weisweiler ou à la manière Boulle et sculptures d’époque, les œuvres se répondent et se confrontent avec bonheur, à l’exemple de la célébration de la nature du Brabant dans le Paysage à l’arc-en-ciel (1635) avec le chef-d’œuvre de Willem Van de Velde, Calm : Dutch ships coming to anchor (v. 1655), à la gloire de la flotte hollandaise.
« Dans l’esprit » de la fin du XIXe siècle
Cette approche historique s’éloigne de celle éclectique de Richard Wallace, amateur d’accrochages très denses. Intégralement financé par le World Monuments Fund (à hauteur de 5 millions de livres sterling, soit 6,2 millions d’euros), ce réaménagement complet ne constitue en effet nullement un retour aux sources. La grande galerie n’a pas retrouvé son lustre d’antan, mais a fait l’objet d’un projet décoratif dans l’esprit de la fin du XIXe siècle – les tentures en soie, par exemple, proviennent du catalogue de la maison Prelle, à Lyon.
Le plus gros du chantier s’est concentré sur le toit qui laisse à nouveau passer la lumière naturelle – de la verrière originale, il ne reste presque rien. À la fin des années 1970, un faux plafond avait été installé pour dissimuler une batterie d’équipements destinés à assurer le contrôle des conditions climatiques de la salle. Les progrès technologiques autorisant désormais une maîtrise de l’hygrométrie et de la température bien plus discrète, un retour à la lumière naturelle s’est imposé. En accord avec le Westminster City Council, le toit a été démantelé et seuls les éléments courbes du treillis original en acier ont été conservés ; ils ont été habillés d’un double vitrage assurant une protection contre les ultra-violets. En dessous est venu s’imbriquer un système élaboré de brise-soleil pivotants.
Enfin, la salle est coiffée d’un plafond en berceau, orné d’éléments en stuc doré à la feuille, au cœur duquel une verrière moderne, dotée d’un vitrage opaque, laisse entrer la lumière. Grâce à des capteurs, la galerie bénéficie donc d’un éclairage automatiquement modulé pour trouver l’équilibre entre lumière naturelle et éclairage LED. Mais, c’est là que le bât blesse, les oculi perçant de part en part le nouveau plafond dissimulent, derrière leurs vitres opaques, des LED simulant la lumière naturelle. Le problème est que le visiteur ne dispose d’aucune information sur la nature de ce projet décoratif, qu’il pourrait considérer comme une restauration du décor original de la demeure Wallace.
L’architecte en charge des aspects techniques du projet réfute le terme de « pastiche », insistant sur le fait que, dès son entrée dans le domaine public, Hertford House a subi des modifications architecturales drastiques pour plaire aux visiteurs. Les différents chantiers de modernisation ont au contraire tenté de retrouver l’esprit – à défaut de l’état – original que la maison a perdu avec les décennies. Le directeur souligne pour sa part que la Wallace Collection n’est pas une maison historique mais un musée qui se doit de faire son entrée dans le XXIe siècle. Et les travaux entrepris visent avant tout à mettre en valeur une collection exceptionnelle dont on ne saurait gâcher l’appréciation en regardant de trop près le plafond...
À la mort de la veuve de Richard Wallace en 1897, Hertford House et son extension située à l’arrière des appartements privés furent légués à l’État, sous réserve que la collection accumulée au fil des siècles par les quatre marquis de Hertford puis par leur descendant Sir Richard Wallace ne quitte jamais les lieux. Une aubaine aux dires de Christoph Vogtherr, directeur du musée depuis 2011. Libérées des contraintes administratives inhérentes aux prêts à répétition, ses équipes peuvent se concentrer sur les œuvres elles-mêmes, épargnées par les risques liés aux transports. Cette politique acceptée de tous les acteurs du monde muséal ne constitue apparemment pas une entrave pour l’institution, qui peut compter sur des prêts extérieurs pour ses deux expositions annuelles, tantôt axées sur un aspect spécifique de la collection, tantôt levant le voile sur des domaines dont la Wallace est privée comme le dessin. Des projets scientifiques de haute tenue, tel le « The Reynolds Research Project », sont une manière pour le musée de rester présent sur la scène internationale. Cette étude collective autour des portraits de la Wallace pour tenter de décrypter la technique si spécifique car très complexe de Joshua Reynolds a mobilisé les forces de la National Gallery de Londres et du Paul Mellon Centre for Studies in British Art. L’exposition « Sir Joshua Reynolds : experiments in paint » est programmée pour le mois de mars 2015.
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La Wallace Collection prête pour le XXIe siècle
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Abonnez-vous dès 1 €Hertford House, Manchester Square, Londres, Royaume-Uni, tél. 44 207 563 9500, www.wallacecollection.org, tlj 10h-17h.
Légende Photo :
La grande galerie de la Wallace Collection. © By kind permission of the Trustees of the Wallace Collection.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : La Wallace Collection prête pour le XXIe siècle