Si le sable et le sel de Méditerranée avaient pu inonder la colline de Saint-Barthélemy, et que les eaux, lassées d’être si près du ciel, avaient un jour décru pour prendre congé du soleil dans les basseurs de Nice, Arson, vraiment, n’aurait pas été si différente.
La mer, redescendue choyer sur la Promenade ses Anglais, ses joggeurs, ses vieux mirant le vent lever l’écume de décembre, aurait laissé dans sa retraite, perchée sur la colline, pareille architecture à celle de Michel Marot : caserne crétacée, lézardorée, bien enfoncée dans ses sols mouvants pointillés de galets qu’on nomme dans le palet d’Albion pudding.
La Villa, dont les Niçois, dit-on, taisent l’éponymie au profit d’une place également nommée dans le quartier du port où l’on joue au bowling, a tout des châteaux empâtés, dont on craint qu’ils s’effacent comme des visages de sable à la limite de la mer. Les bâtisseurs, qui reçurent de Malraux la charge de réviser cette demeure quasi italienne pour qu’elle accueille en ses jardins une école d’art, auraient pu déverser sur l’éminence d’immenses sots de plage. On dirait le complexe à peine démoulé, draguant déjà la ruine avec de faux airs d’Angkor ou de Babylone. Les volumes en cascade, où pend tout ce qui pousse au Sud – pins parasols, cactus, palmiers, cyprès qu’on voit venir de loin, dessinent un labyrinthe. Que n’est-on défendu derrière cette carcasse où paît ce qu’il faut de lumière pour cultiver l’esprit, qui sait réchauffer la pudeur des jeunes pensionnaires et néanmoins, quand il faut, où il faut, mettre leur cœur au frais de cet ouvrage.
Descendue de la famille Peyre de la Coste dont le nom programma logiquement l’infortune à la Révolution, la demeure historique est fossile d’une quête esthético-philosophique pour l’Absolu menée par un aisé marteau à point nommé Arson. C’est là que le fada ante-corbuséen dépensa son temps et son argent aux savoirs humains. Il portait, foi de la chronique, « les vêtements traditionnels du magicien. Longue robe de velours rouge et noir, coiffure idem » et professait d’occultes énoncés pour attirer la pluie. Ainsi donc, au milieu de ce précipité d’architecture « exagérément » revisitée au cours des années 1970 – c’est Jean-Michel Wilmotte qui suggère cet adverbe –, au centre alors de l’éclatée grisaille qui vire au béton vert plancton, l’ocre Villa d’origine, ou pour le moins son reste rehaussé, bat haut.
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La Villa Arson
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Quoi ? Exposition « Bricologie. La souris et le perroquet », du 15 février au 31 août 2015.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°676 du 1 février 2015, avec le titre suivant : La Villa Arson