Après cinq siècles passés dans la Tour de Londres, le Royal Armouries s’installe à Leeds. Situé sur Clarence Dock, dans River Aire, le nouveau bâtiment ouvrira ses portes au public le 30 mars. Ce déménagement a déjà fait couler beaucoup d’encre et nourri une ample controverse. Beaucoup craignent en effet que les pressions commerciales ne transforment le nouveau musée, qui aura coûté l’équivalent de 327 millions de francs, en un \" parc à thème \".
LONDRES (de notre correspondant) - Stuart Pyhrr, conservateur du département des Armes et armures au Metropolitan de New York, n’hésite pas à parler de "tragédie" à propos du transfert du Royal Armouries à Leeds. Un groupe de conférenciers de l’Institut Courtauld a lui aussi condamné le déménagement en des termes encore plus sévères, dénonçant un acte de "vandalisme culturel". En face, l’argument principal est que son installation dans un nouveau lieu permettra au plus ancien musée de Grande-Bretagne de présenter ses collections dans de meilleures conditions. Certes, c’est la première fois qu’un musée national est transféré en dehors de Londres, mais la direction estime que Leeds est parfaitement situé, à moins de deux heures de voiture du domicile de seize millions de Britanniques.
Le nouveau bâtiment a été conçu par Derek Walker Associates. Il comprend notamment un hall d’acier, haut d’une quarantaine de mètres, où seront exposées plus de 3 200 armes et armures. Cet édifice, à l’esthétique discutable, comporte cinq galeries thématiques – la guerre, la chasse, le tournoi, l’auto-défense et l’Orient – donnant sur un atrium, baptisé La rue, qui traverse le bâtiment dans sa longueur. Les salles présenteront des pièces originales, exposées dans des vitrines, et des répliques que les visiteurs pourront manipuler. Elles seront en outre équipées de quantité d’installations vidéos et de bornes interactives. La rue accueillera magasins et restaurants, tandis qu’à l’extérieur, seront créés une lice servant à la reconstitution de tournois, une ménagerie et un centre artisanal.
Le Royal Armouries, par la voix de son directeur, Guy Wilson, refuse catégoriquement de laisser traiter son musée de "parc à thème". Néanmoins le projet semble avoir été conçu avant tout pour séduire un public jeune. D’ores et déjà, son financement (lire encadré) laisse augurer un arbitrage difficile entre rentabilité et mission culturelle.
Les projections tablent sur une fréquentation de 750 000 visiteurs par an, à comparer aux deux millions d’entrées du Royal Armouries à Londres, les joyaux de la Couronne drainant beaucoup de touristes à la Tour de Londres. En contrepartie du financement octroyé par le gouvernement, le Royal Armouries a accepté de libérer ses bâtiments de la forteresse médiévale au bénéfice des Historical Royal Palaces, à l’exception de la White Tower, où le musée continuera d’organiser des expositions.
Le musée de Leeds se distingue aussi par un financement et un management original qui ont fait intervenir le secteur privé. Une société commerciale, Royal Armouries (International) PLC, détient la concession de la gestion et du développement du nouveau musée pour soixante ans. Gardner Merchant, société de services et de logistique, sera son agent commercial. Le Royal Armouries s’occupera, lui, des expositions et de la conservation de la collection. Le Department of National Heritage continuera de lui verser une subvention annuelle de 3,7 millions de livres (28,5 millions de francs).
Le nouveau bâtiment, qui a coûté 42,5 millions de livres (327 millions de francs), a bénéficié de trois sources de financement. Le Department of National Heritage, par le biais des Historic Royal Palaces, a apporté 20 millions de livres (154 millions de francs). Un groupe d’investisseurs, comprenant Electra Investment Trust, Yorkshire Electricity, Gardner Merchant et la Bank of Scotland, a fourni 14 millions de livres (108 millions de francs). Enfin, la Leeds Development Corporation et le conseil municipal de Leeds ont contribué à hauteur de 8,5 millions de livres (65 millions de francs).
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La Tour de Londres perd son musée
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : La Tour de Londres perd son musée