Image du siècle d’or lyonnais, la maison du Chamarier va retrouver son lustre. Un fablab y sera consacré aux richesses architecturales du Vieux Lyon.
LYON - Au cœur du site urbain classé patrimoine mondial par l’Unesco, les quartiers dits du Vieux Lyon en offrent les phases gothique et Renaissance. La transition entre celles-ci se lit dans la maison du Chamarier, que François d’Estaing édifia de 1496 à 1516. Sa façade nord incorpora un imposant tronçon du rempart bâti trois siècles auparavant pour ceinturer le fief de l’archevêque et des chanoines comtes de Lyon, enclave de quelques hectares développée autour de la cathédrale Saint-Jean. Chanoine comte, François d’Estaing est chamarier de ce territoire : il y fait la police, perçoit les taxes durant les foires, ferme chaque soir les portes de l’enceinte. Sa position sociale s’exprime par la taille de sa demeure qui s’étend sur tout un îlot, et par la finesse de son architecture comme de ses décors intérieurs. Réaménagé ensuite sous la forme d’appartements, le bâtiment est acquis par la Ville en 1907, classé monument historique en 1943 : les derniers locataires partent dans les années 1980.
Restaurer les façades
La Ville va alors mener plusieurs campagnes de restauration. Une première permet en 2005 d’ouvrir au public la cour, condensé d’époques avec son décor sculpté flamboyant, sa fontaine et son puits attribués à Philibert Delorme, ses ferronneries du XVIIe siècle. Aujourd’hui débute l’étape définitive : la municipalité vient de sélectionner l’équipe qui devra restaurer les façades sur les quatre rues, ainsi qu’espaces et décors intérieurs, et créer un usage des lieux innovant mais en même temps fidèle à leur caractère. Ladite équipe associe les promoteurs investisseurs Vista et Immogal, familiers de la réhabilitation de bâtiments historiques, et l’agence RL&A de Didier Repellin, architecte en chef des Monuments historiques. L’opérateur privé se voit accorder par la collectivité un bail emphytéotique de quatre-vingt-dix-neuf ans. Contrepartie du loyer minime – 12 000 euros annuellement pour 1 000 m2 –, il supportera le coût, estimé à 6 millions d’euros, de la restauration et de la reconversion qu’il a conçue : mise en place d’un fablab consacré au patrimoine urbain du Vieux Lyon, réactivation des usages séculaires du lieu que sont le commerce de bouche et l’habitat.
Installée en façade principale depuis un siècle, la pâtisserie À la Marquise continuera de proposer des douceurs du cru. Gastronomie locale aussi chez le caviste qui ouvrira boutique dans une façade latérale, là où était, comme l’atteste la cheminée, la cuisine de la demeure au temps de François d’Estaing, quand Rabelais et Erasme vantaient déjà l’excellence culinaire lyonnaise. La Ville veut perpétuer ainsi un vrai pan de son patrimoine. La fonction résidentielle, autre héritage dans la maison du Chamarier, renaîtra avec les neuf logements créés aux étages, dont les grandes surfaces permettront de redonner le volume des espaces initiaux. Leur aménagement se fera selon la localisation des éléments originels de décor tels que plafonds ou peintures murales.
Un laboratoire de fabrication patrimonial
Comme on pourra lire les fonctions anciennes de l’édifice, réactivées, on lira les étapes de sa construction. Côté nord sera en effet dégagé l’appareil en pierre du rempart médiéval, tandis que plus loin sur la même rue seront restitués baies du XVIe au XIXe siècle, et que la devanture dans son jus du garage automobile fera le lien avec un volume neuf, dont l’expression contemporaine marquera l’entrée du fablab.
Ce dernier proposera aux touristes comme aux habitants un éventail de technologies pour découvrir le Vieux Lyon ou approfondir sa visite. La maquette du quartier, version traditionnelle et en réalité augmentée, montrera l’histoire de la maison du Chamarier, et les phases de construction de la cathédrale. Appareils de découpe et gravure laser, scanner 3D et imprimante 3D leur permettront de fabriquer les modèles réduits d’édifices remarquables. Ils pourront aussi activer leur smartphone pour aller explorer le quartier, guidés par géolocalisation.
La maison du Chamarier reconfigurée devrait ouvrir à la fin de l’année 2019, mais déjà des guides-conférenciers locaux s’inquiètent de cette concurrence supplémentaire à leur métier que parasitent les guides amateurs. « Quand les visiteurs ont des informations sur téléphone ou tablette, ils ne lèvent presque plus le nez », déplore l’une d’elles, ajoutant : « S’ils se posent des questions sur le Vieux Lyon, ils n’auront personne pour leur répondre en détail. »
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La Renaissance en réel et virtuel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°471 du 20 janvier 2017, avec le titre suivant : La Renaissance en réel et virtuel