Belgique

La renaissance d’Horta

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2013 - 728 mots

Longtemps laissé à l’abandon, le pavillon Horta à Bruxelles bénéficie enfin de travaux de restauration. Son histoire n’est pas banale.

BRUXELLES - Est-ce parce qu’il dénote avec ce que l’on attend en général d’Horta que le pavillon des « Passions humaines » a longtemps été délaissé ? Il est vrai qu’à le voir dérouler son vocabulaire architectural néogrec, on peut s’étonner qu’il ait été dessiné par le père de l’Art nouveau. Ce tempietto niché au fond du parc bruxellois du Cinquantenaire constitue pourtant la première commande publique de Victor Horta (1861-1847). Malgré un fronton qui tend à légèrement s’incurver, l’édifice est plus proche de la leçon néoclassique d’Alphonse Balat, chez qui l’architecte a fait ses classes, que de la « révolution végétale » qu’Horta a lancée à l’hôtel Tassel en 1892, à Bruxelles toujours.
En 1890, l’État belge passe commande à Horta d’un édifice destiné à abriter sa nouvelle acquisition : le monumental bas-relief des Passions humaines du sculpteur Jef Lambeaux (1852-1908), dont les figures allégoriques en marbre (séduction, suicide, meurtre, viol…) suscitent à l’époque de vives critiques dans la presse catholique.
Trois jours après l’inauguration du bâtiment en 1899, Jef Lambeaux, insatisfait de l’éclairage, demande à ce que l’entrée du bâtiment soit cloisonnée pour atténuer la luminosité. En 1910, Horta exécute à contrecœur la volonté du sculpteur : un mur en briques est construit pour séparer la cella du pronaos. Le relief, appartenant à la collection du Musée du Cinquantenaire situé à quelques centaines de mètres dans le parc, est dès lors privé du regard du public et ouvert sur rendez-vous seulement. En 1978, la Belgique tente de se délester de l’encombrant pavillon. Le roi Baudouin Ier offre sous la forme d’un bail emphytéotique (qui s’achèvera en 2068) la jouissance du pavillon au roi d’Arabie Saoudite – déjà propriétaire de la mosquée de Bruxelles, située à quelques mètres de l’édifice – qui souhaitait y construire un musée d’art de l’Islam. En 1980, commence le démontage du bas-relief qui sera brusquement arrêté à la suite d’une plainte de la commission royale des monuments et des sites : le bâtiment de Horta et le relief de Lambeaux sont en effet classés depuis 1976.
Le pavillon, lui, s’est considérablement dégradé tout au long du XXe siècle. En 2006, les études menées par le gestionnaire de l’édifice, la Régie des Bâtiments – organisme chargé de la préservation du patrimoine architectural fédéral –, préconisent une restauration en profondeur pour le tempietto, en proie aux infiltrations d’eau. Un chantier qui va se faire attendre. De 2007 à 2012, des élus demandent à plusieurs reprises à l’État fédéral de hâter le début des travaux, condamnant les lourdeurs administratives de « Beliris », un accord de coopération économique passé entre le pouvoir fédéral belge et la Région de Bruxelles-Capitale afin de promouvoir le rayonnement de la ville. Depuis 2005, Beliris finance l’ensemble de la restauration du parc du Cinquantenaire, grand voisin des institutions européennes.

Une pierre qui s’érode
Depuis le 21 mai 2013, des barrières interdisent au public les abords du pavillon. Le chantier, estimé à 770 000 euros, doit remédier aux problèmes d’humidité. La toiture en zinc et la verrière vont être changées, le plafond, refait, et les taches liées à la végétation qui s’est développée, nettoyées. « On en profitera pour atténuer l’éclairage comme l’aurait souhaité Lambeaux, en ajoutant un voile mat à la verrière », précise André Demesmaeker, architecte à la Régie des Bâtiments. Le chantier comprend également un agrandissement de l’escalier, une restitution des portes et une rénovation du sol. Les plaques de marbre de Sienne qui recouvrent les murs de l’édifice (endommagées et retirées en 2012) devraient être coupées dans leur épaisseur pour être dédoublées. « La couleur du nouveau marbre de Sienne n’est plus la même qu’autrefois », explique André Demesmaeker, qui avoue craindre pour le devenir de l’édifice. « Il a été réalisé en pierre d’Euville, qui s’érode dès qu’elle est travaillée en arrondi. Les cristaux se dilatent, la surface se soulève et tombe, et il n’y a rien à faire », déplore-t-il en désignant les colonnes. Le relief, emballé durant les travaux, devrait être restauré à son tour après le printemps 2014, qui verra la fin du chantier Horta. « Le dossier Lambeaux est actuellement à l’étude par l’Institut royal du patrimoine artistique », explique Werner Adriaenssens, conservateur des arts décoratifs du XXe siècle au Musée du Cinquantenaire.

Légende photo

Façade du pavillon Horta, à Bruxelles, à proximité de la mosquée, à droite . © Photo : Margot Boutges

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°395 du 5 juillet 2013, avec le titre suivant : La renaissance d’Horta

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