Les musées de l’ancienne Allemagne de l’Est ont été victimes des plus importants pillages perpétrés par l’Armée rouge, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais ils commencent seulement aujourd’hui à faire le compte de leurs pertes. Les listes, accompagnées de photographies, récemment publiées par deux d’entre eux – le Kulturhistorisches Museum de Magdebourg et le Museum der Bildenden Künste de Leipzig –, lèvent le voile sur des collections \"disparues\", d’une richesse et d’une variété remarquables.
MAGDEBOURG et LEIPZIG - Depuis longtemps, le Musée de Magdebourg ne présentait pratiquement plus aucune œuvre de ses collections permanentes et semblait voué à un déclin inexorable. Pourtant, on a de multiples raisons de penser que des pièces importantes, autrefois en sa possession, ont survécu, contrairement aux comptes-rendus établis après la guerre, rapportant la destruction totale de ses collections.
Une œuvre en particulier, Trois putti par Hans von Marées, a été repérée cet été au Musée Pouchkine, lors de l’exposition "Deux fois sauvés…" (lire le JdA n° 13, avril 1995). Ces Trois putti sont en fait les restes d’une frise décorative appartenant à l’un des derniers triptyques de Marées, le Jugement de Pâris (1880-1881), jadis à Berlin. Une autre œuvre, une sculpture médiévale représentant saint Jean appuyant sa tête dans le giron du Christ, a été restituée par le musée de Hanovre. Elle avait été emportée par l’ancien directeur du musée, Walther Greischel, dans sa fuite en 1945. Le retable de la cathédrale de Magdebourg, œuvre mineure d’un peintre local du XIXe siècle, apparue sur le marché de l’art l’an dernier, a probablement suivi le même chemin.
Selon l’actuel directeur du musée, l’historien Matthias Puhle, certains indices concordants laissent à penser que la plus spectaculaire des toiles conservées autrefois à Magdebourg – un Van Gogh de 1888 représentant l’artiste Sur la route de Tarascon, au milieu des champs de blé – est peut-être cachée quelque part aux Pays-Bas.
336 pièces manquent à Magdebourg et 68 à Leipzig
Les pertes dûment recensées s’élèvent à trois cent trente-six pièces, et la plupart d’entre elles sont documentées par des photographies en noir et blanc, tirées des négatifs sur plaque de verre du musée. Parmi les toiles de la liste, on relève : un Paysage d’Auvers par Cézanne, daté de 1878 environ, un Caprice vénitien par Guardi, plusieurs Paysages par Philipp Hackert, un Paysage grec par Carl Rottmann, une Scène de rue en Amsterdam par l’impressionniste allemand Max Liebermann, un grand nombre de toiles hollandaises, dont certaines attribuées à Salomon van Ruisdael et David Teniers le Jeune, enfin une importante section d’œuvres allemandes du XIXe siècle, avec des toiles de Feuerbach, Böcklin, Leibl et Lenbach.
Les recherches sur les pertes du Musée de Leipzig, récemment publiées dans son Jahresheft 1994, ont donné des résultats moins spectaculaires. À ce jour, aucune des soixante-huit œuvres pillées n’a pu être repérée. Il s’agit là surtout d’œuvres du XIXe siècle, mais aussi de tableaux tels que le Paysage avec ruines par Bartolomeus Breenbergh, un Couple de paysans par Hermann Hals, un Paysage de canal hollandais par Wouter Knujff (1644), une Scène d’Arcadie par Friedrich Adam Oeser (1779), et deux toiles de David Teniers le Jeune. Le reste des cent quatre-vingt-trois tableaux recensés a été irrémédiablement détruit lors de raids aériens.
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À la recherche des œuvres "perdues" de l’ex-RDA
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°20 du 1 décembre 1995, avec le titre suivant : À la recherche des œuvres "perdues" de l’ex-RDA