Géré depuis 2005 par une fondation largement financée par l’Aga Khan, le château va renforcer son offre culturelle.
CHANTILLY - Six années d’existence et déjà trois directeurs à la tête de la Fondation pour la sauvegarde et le développement du domaine de Chantilly (Oise). Faudrait-il déceler dans cette instabilité une certaine impatience de Son Altesse le prince Karim Aga Khan IV ? Depuis 2005, le chef spirituel des ismaéliens préside aux destinées du domaine de Chantilly. Le prince avait alors officialisé sa décision de verser sur dix ans, en collaboration avec les collectivités locales, 40 millions d’euros – sur un total de 70 millions – afin de soutenir financièrement la remise à flots de l’ancienne propriété du duc d’Aumale, entrée par donation dans le patrimoine de l’Institut de France, sous réserve du respect d’un strict testament. Philanthrope atypique, l’Aga Khan n’entendait toutefois pas se contenter de signer un chèque en blanc. Son mécénat était assorti de la création d’une fondation animée par l’objectif de parvenir à un autofinancement du domaine en 2025, avec l’idée d’y bâtir une entreprise culturelle exemplaire. Or, en termes d’investissements, le chronomètre indique déjà la mi-temps. Cela alors que le déficit perdure : il atteindrait encore 1,3 million d’euros selon les calculs les plus avantageux.
En janvier dernier, un nouveau tandem, issu de l’administration culturelle publique, a donc été nommé à sa tête. Bruno Ory-Lavollée, son directeur général, est désormais associé à un directeur général adjoint, François Belfort, venu du Grand Palais. « Pour remplir l’objectif, il faut désormais changer de braquet en termes de fréquentation », admet Bruno Ory-Lavollée. Celle-ci plafonne, malgré les richesses du lieu et son cadre enchanteur, à 360 000 visiteurs. L’accent sera mis sur un renforcement de l’offre. Exit le projet de parc animalier soutenu par la précédente directrice, Danièle Clergeot, les regards sont désormais rivés vers la construction d’un nouveau pavillon d’accueil, qui permettra de supprimer le disgracieux parking d’entrée. La Maison de Sylvie, toute proche, sera également restaurée et transformée, notamment par un agrandissement souterrain, en « machine à réceptions de très haut standing ». Car le mécénat, là comme ailleurs, semble être un leurre. « Il ne représente que 20 % de nos ressources propres quand 80 % proviennent des commercialisations », précise le directeur général de la fondation.
C’est toutefois du côté des Grandes Écuries que le changement sera le plus notable. En travaux depuis 2009, ce deuxième château, par son ampleur, dédié par l’architecte Jean Aubert au cheval, va connaître une nouvelle vie. Racheté par la fondation à Yves Bienaimé, son fondateur, le Musée vivant du cheval, qui l’occupait pour l’organisation de spectacles équestres, cohabitera à terme avec un grand musée du cheval. Une mission d’étude est en cours pour établir un projet scientifique et culturel et trouver des collections. En face, un hôtel de luxe, à faire pâlir d’envie les responsables du château de Versailles, devrait ouvrir l’an prochain. Ici, il n’a pourtant pas été question d’occuper un bâtiment historique. Construit de neuf dans un style pastiche bon teint par l’une des sociétés immobilières de l’Aga Khan, l’Auberge du Jeu de Paume occupera un emplacement de choix, face au parc et à l’entrée de la ville. À terme, une fois les emprunts remboursés, il pourrait tomber dans l’escarcelle du domaine. Une élégante manière de prolonger l’idée du duc d’Aumale de céder à l’Institut un domaine viable économiquement, grâce notamment à son exploitation foncière et forestière, même si le temps a rendu bien plus coûteux son entretien. « Rien n’est signé ! », tempère Bruno Ory-Lavollée, qui concède pourtant que l’Aga Khan n’est guère coutumier des paroles légères.
Pragmatisme
Proche de l’hôtel, l’ancienne salle du Jeu de paume devrait elle aussi connaître une mue. Ce vaste espace devrait en effet accueillir la grande salle d’exposition temporaire qui a toujours manqué au Musée Condé et à ses prestigieuses collections de peinture. Envers ceux qui s’inquiéteraient des révolutions de velours menées au sein du château, le responsable de la fondation se veut rassurant. « Le testament du duc d’Aumale est notre bible, même si nous ne voulons pas en avoir une lecture trop intégriste. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui refusent la transfusion sanguine », explique-t-il. Et Nicole Garnier-Pelle, conservatrice générale du patrimoine, en charge du Musée Condé, de préciser : « Le testament nous interdit de déplacer les œuvres. Or cela nous est arrivé par le passé pour une bonne et simple raison : leur sécurité. Mais nous le faisons en restant à l’intérieur du domaine. » L’heure est désormais au pragmatisme.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La lente métamorphose de Chantilly
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°356 du 4 novembre 2011, avec le titre suivant : La lente métamorphose de Chantilly