Le 17 décembre 1997, Jacques Chirac baptisait officiellement la Fondation du Patrimoine. Un an après, nous avons rencontré son directeur général, Olivier de Rohan, pour dresser un premier bilan. L’occasion de rappeler l’originalité de cette structure dans le paysage patrimonial français.
PARIS - La nouveauté de l’entreprise “consiste à dire qu’un patrimoine qui n’est pas protégé au titre des monuments historiques mérite néanmoins d’être considéré, explique Olivier de Rohan, directeur général de la Fondation. Depuis le début du XIXe siècle, l’approche par exception, très élitiste, a été privilégiée : on a conservé ce qu’il y avait de plus beau. Résultat, l’État a sur les bras plus de monuments qu’il ne peut en sauver ; même les cathédrales s’effondrent !” La nécessité de cette Fondation naît d’un constat : “Les innombrables sites vernaculaires qui font la beauté de la France ne sont particulièrement pas remarquables individuellement. Mais, quand quelques dizaines de milliers d’entre eux auront disparu, c’est le visage de la France qui aura changé.” Il faut donc “prendre en compte globalement toute cette France qui n’est pas d’exception” et, “si les Français ne la prennent pas en charge, personne ne le fera à leur place”. Ce patrimoine de “proximité” représenterait 400 à 500 000 monuments.
Un rôle de “catalyseur”
Comment la Fondation s’est-elle attelée à une tâche d’une telle ampleur ? Elle peut d’abord compter sur les intérêts du fonds d’origine pour assurer son fonctionnement, les 40 millions apportés par de grandes entreprises générant environ 1,5 million de francs par an. Toutefois, prévient Olivier de Rohan, “il faudrait éradiquer l’idée que la Fondation du Patrimoine est une nouvelle Sécurité sociale à laquelle tout le monde a droit, où il suffit de prendre son ticket. Nous n’avons pas d’argent à distribuer”. La Fondation aspire plutôt au rôle de “catalyseur”, “elle voudrait être l’organisme par lequel les choses peuvent arriver”.
Préalable nécessaire, cette première année a été consacrée à la mise en place d’une structure d’action :18 régions sur 22 – pour l’instant – se sont dotées d’un délégué, lui-même chargé de trouver des délégués départementaux, et déjà 50 % des postes sont pourvus. Ces derniers “ont pour mission d’établir des programmes de rénovation, d’identifier ce qu’il est nécessaire, voire urgent de faire, en travaillant avec ceux qui apportent des projets, propriétaires privés, collectivités territoriales ou associations”. Ils les aident à rassembler des financements et les guident dans les méandres des subventions et des réglementations.
Il existe trois sources de financement : l’apport des propriétaires privés est la première. “La Fondation aurait déjà dû leur apporter le bénéfice d’un label donnant droit à exemption fiscale. Malheureusement, le ministère des Finances n’a pas encore donné son agrément à la loi votée par le Parlement. Toutefois, après deux ans de négociations, cela semble en bonne voie.” Ce label permettra au propriétaire de déduire la totalité du montant des travaux de sa déclaration de revenus. Les subventions sont la deuxième source, et beaucoup ignorent l’existence de budgets dont ils peuvent bénéficier. Ainsi “la plupart des fonds européens destinés au patrimoine ne sont pas utilisés, déplore M. de Rohan. Il y a des sources de financement innombrables, et nos délégués départementaux devront devenir des spécialistes de cette ingénierie financière.” Il faudrait déjà exploiter ce qui est disponible.
Un mécénat de proximité
Dernière source de revenus et non des moindres, le mécénat, qu’il soit de proximité ou national. “Aujourd’hui, la Fondation est trop jeune, elle dispose de trop peu de notoriété pour faire appel à un mécénat national.” En revanche, il est plus facile de mobiliser un mécénat de proximité. Pour les entreprises, ces opérations présentent deux types d’avantages, outre la satisfaction d’avoir contribué utilement à la vie de la cité. D’abord, elles peuvent déduire 3,25 ‰ du bénéfice imposable, comme le prévoit la loi sur le mécénat d’entreprise ; mais elle peuvent surtout, contrairement à ce texte législatif, se prévaloir de ce don, notamment dans une campagne publicitaire.
Le recrutement du délégué prend à ce stade une importance déterminante : en faisant appel à un chef d’entreprise, la Fondation bénéficie de sa connaissance du tissu économique et social pour favoriser, voire stimuler, la générosité de ses pairs. Certains ont ainsi obtenu, auprès des chambres de commerce, des locaux, des secrétaires, un adjoint payés par la communauté économique. Mais, à terme, les délégations ne pourront faire l’économie d’un permanent salarié pour superviser leur activité.
Ces délégations bénéficient d’une autonomie totale, à condition toutefois de rester dans la ligne déterminée par le conseil d’administration. De son côté, la structure centrale se consacre à ses trois fonctions principales : l’établissement de normes juridiques et fiscales ainsi que la vérification de leur application ; l’animation et la circulation des informations entre les régions ; la communication interne et externe.
Profil bas
Seule ombre au tableau, la Fondation a souffert d’être annoncée “à grands coups de trompe”, avant même qu’elle n’existât : “Nous avons donc, dans notre première année d’exercice, préféré être discrets et attendre d’être bien implantés.” Cependant, malgré cette modestie, la Fondation avoue un objectif de 500 projets pour dix régions en 1998, parmi lesquels une centaine devrait être retenue. Ils balayent l’ensemble du spectre patrimonial : du patrimoine médiéval aux vestiges industriels, en passant par les archives. D’ores et déjà, quelques-uns ont été menés à bien. En Maine-et-Loire, par exemple, quelque 30 000 francs ont été récoltés auprès de petites entreprises pour la restauration d’un ensemble de chapelles de mariniers. “Avant d’intéresser les entreprises à l’échelon national, il faudra encore un an ou deux pour que le feu prenne un peu partout ; et nous savons qu’il prendra.” À suivre...
L’existence de fondations abritées constitue l’une des originalités de la structure née de la loi de juillet 1997. Celles-ci, souvent des associations, remettent leur capital à la Fondation, soit pour le dépenser sur plusieurs années, soit pour en dépenser les intérêts dans des projets déterminés. Cela leur permet de bénéficier du régime des fondations sans être obligées d’apporter les cinq millions nécessaires. Deux associations, dont la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, ont déjà choisi cette solution.
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La Fondation du Patrimoine, un an après
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°73 du 18 décembre 1998, avec le titre suivant : La Fondation du Patrimoine, un an après