Le Musée des beaux-arts de Budapest a rejeté la proposition de son homologue montréalais de partager un tableau de Giorgio Vasari à la propriété litigieuse. L’établissement canadien a acheté cette huile sur bois du XVIe siècle en 1963, mais Budapest la réclame comme œuvre perdue durant la dernière guerre.
BUDAPEST - “Les Noces de Cana de Vasari font partie du fonds national le plus important de Hongrie : la collection Esterházy, acquise par le pays en 1870 et constituant l’essentiel du musée de Budapest. Que le tableau lui ait appartenu avant la Seconde Guerre mondiale ne peut être contesté”, explique l’avocat Andrea Francœur Mécs, qui cherche à obtenir la restitution complète de l’œuvre.
En 1942, le musée de Budapest avait prêté le Vasari pour la décoration des bureaux du ministère des Finances. Ce dernier ayant été détruit sous les bombes des Alliés, on supposait que la peinture était perdue.
En 1963, elle est vendue au musée de Montréal par une résidente canadienne, fille d’un Hongrois qui l’avait achetée dans un magasin de Budapest, qui, selon les Canadiens, était dirigé par l’État hongrois. Faux, s’insurge maître Mécs, qui considère que le “magasin” était en fait un dépôt et qualifie de fallacieux tout propos laissant entendre que l’œuvre aurait été vendue par le Gouvernement.
Le Musée des beaux-arts hongrois a réclamé le panneau en 1964, dès qu’il a appris son acquisition. Malgré des démarches répétées, il n’est jamais parvenu à obtenir gain de cause : Montréal se considère toujours comme le légitime propriétaire du tableau. Selon maître Mécs, l’institution canadienne aurait dû se renseigner davantage sur son acquisition, effectuée pendant la Guerre froide, à une époque où très peu de choses sortaient de Hongrie et où il était nécessaire d’obtenir des permis d’exportation. Or l’œuvre était citée comme appartenant au musée de Budapest dans le Thieme-Becker Lexikon de 1940 et le Bénézit de 1959. Elle était également répertoriée dans le catalogue des pertes de guerre établi par le musée en 1952.
Le musée de Montréal met en avant la législation canadienne pour répliquer que le Vasari, acheté de bonne foi et entre ses mains depuis plus de trente ans, lui appartient. L’automne dernier, il a cependant fait une proposition : chaque établissement exposerait tour à tour la peinture, pendant une période de temps déterminée, à condition que le musée de Budapest prête à Montréal un tableau de valeur égale durant le séjour des Noces de Cana en Hongrie.
“Cette simple procédure permettrait de tenir compte de l’histoire du Vasari, à la fois pour Budapest et Montréal, et d’effectuer la restitution de l’œuvre”, considère le directeur canadien Pierre Théberge. Andrea Francœur Mécs persiste en revanche à réclamer la pleine propriété de l’œuvre et demande sa restitution.
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La double vie de Vasari
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°63 du 19 juin 1998, avec le titre suivant : La double vie de Vasari