PARIS
Le rapport relève une gouvernance déséquilibrée, un personnel sous tension, ainsi qu’un patrimoine bâti mal entretenu.
A Chambord, sous la direction de Jean d’Haussonville (2010-2023), autonomie financière allait de pair avec autonomie dans la gouvernance. Le nouvel ambassadeur de France à Monaco a joui d’une indépendance, autorisée par le statut spécial de l’établissement (un EPIC placé sous le patronage du président de la République) pour rendre au château de François Ier son attractivité touristique et développer les ressources propres du château. Dans un rapport publié le 10 novembre, la Cour des comptes détaille les dommages collatéraux de cette stratégie tout en soulignant les aspects positifs, en particulier l’autonomie financière (82 %) et l’augmentation du visitorat (plus 25 % de 2011 à 2019).
Sans lettre de mission de sa tutelle ministérielle, débarrassé du contraignant statut d’opérateur de l’État en 2019, le directeur avait plus que les coudées franches pour développer les activités du château. Il a ainsi pu recruter sans compter, quand beaucoup de ses homologues se heurtent au plafond d’emploi imposé par Bercy : alors qu’il comptait 132 postes (en équivalent temps pleins) en 2010, Chambord en disposait de 244 en 2020. Pas assez toutefois pour soutenir l’accroissement soutenu de l’activité du château, comme en témoigne le nombre d’heures supplémentaires (6 094) réalisés par les salariés en 2022. Cette charge de travail ainsi que le management vertical ont entraîné l’apparition de troubles psycho-sociaux parmi les salariés, objectivé par un audit social en 2022.
La hiérarchie verticale et le manque de coordination pèsent également sur le cœur des activités du château. Les magistrats de la Cour des comptes soulignent ainsi que Chambord ne dispose pas d’un projet d’établissement, pas plus que d’un projet scientifique et culturel (le château n’est pas labellisé Musée de France). Les réunions épisodiques du Conseil d’administration, du Conseil d’orientation (dont la dernière séance s’est tenue en 2018) ou de la commission des collections, ainsi que les larges pouvoirs dont est doté le directeur général sont invoqués par le rapport pour expliquer la carence d’une vision stratégique et l’absence d’un suivi des tutelles ministérielles.
S’agissant de la gestion du patrimoine bâti, la Cour des comptes observe également une absence de vision d’ensemble, alors que la sécurité et l’état sanitaire du château - inscrit sur la liste du patrimoine mondial - sont dégradés. L’aile François Ier est ainsi en partie fermée au public depuis 2019. Plusieurs facteurs aggravent cette situation : l’absence d’un conservateur du monument nommé par la DRAC - un architecte en chef des monuments historiques accaparé par la rénovation du Grand Palais à Paris - et l’absence de compétences en maîtrise d’ouvrage au sein des équipes de l’EPIC. Les magistrats de la rue Cambon recommandent l’adoption d’un schéma directeur – à l’image de Fontainebleau ou Versailles – afin de hiérarchiser les travaux, reprenant les exigences de la Direction générale des patrimoines émises en 2016, et restées sans réponse.
Si le bon point retenu par le rapport porte sur le développement des ressources propres, la Cour des comptes émet des doutes sur la viabilité de certains projets tirant profit du vaste domaine de Chambord : il en va ainsi de l’activité viticole, d’un potager, d’une scierie mobile, ou de la vente de crédits carbones grâce aux arbres de la forêt. Sur cette autonomie financière, qui justifie le statut spécial de l’établissement, Chambord n’a toujours pas retrouvé son niveau d’autofinancement de 2019, largement amputé durant la crise du Covid-19.
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La Cour des comptes épingle le château de Chambord
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