Dans le cadre de la célébration du \"troisième millénaire de Jérusalem\", qui suscite une vive controverse, les autorités israéliennes souhaitent encourager le tourisme et projettent de créer un vaste \"parc archéologique\" sur le site de fouilles de l’Ophel, au pied de la colline du Temple.
JÉRUSALEM (de notre correspondante) - Depuis le 4 septembre, coup d’envoi des festivités marquant le "troisième millénaire de Jérusalem, capitale d’Israël" – qui s’étaleront sur quinze mois –, la polémique s’amplifie : les cérémonies sont boycottées par les pays arabes, l’Union européenne, le Saint-Siège et les États-Unis.
Le vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Yossi Beilin, s’interroge sur le bien-fondé d’une manifestation si ouvertement nationaliste, alors que le statut de Jérusalem doit être négocié au mois de mai 1996. Tandis que le maire Ehoud Olmert, pilier de la droite nationaliste, rejette toute critique en affirmant même que "le moment est idéal pour réaffirmer la souveraineté d’Israël sur Jérusalem."
Arabes et juifs protestent avec véhémence
En dépit de cet émoi, le ministère du Tourisme, en collaboration avec l’Israel Antiquities Authority et l’East Development Company, a investi 45 millions de shekels (près de 90 millions de francs) pour améliorer l’accès aux sites archéologiques majeurs de la ville, tout en les rendant plus "attrayants".
Dans cet esprit, la Cité de David sera reliée par un tunnel au site de fouilles de l’Ophel, au pied de la colline du Temple, afin de former un vaste "parc archéologique". Le projet d’aménagement de l’Ophel – qui renferme les principaux vestiges juifs et musulmans – est présenté comme "l’un des plus importants du pays et aussi l’un des plus complexes", selon Gideon Avni, chef des Services archéologiques de Jérusalem.
Le parc sera divisé en deux secteurs distincts correspondant à deux types de vestiges : une section "second Temple-période hérodienne" illustrera la vie à Jérusalem il y a 2 000 ans, et une section "Islam" présentera l’un des grands palais omeyyades – chacun de la taille d’un stade de football – construits par les Arabes au VIIe siècle de notre ère, au pied de la colline du Temple.
Mais comme ces reconstitutions exigent de déplacer des blocs de pierre antiques, elles ont suscité des critiques tant du côté juif que musulman. Les pierres incriminées appartiennent en effet à l’un des palais omeyyades, mais elles faisaient auparavant partie du mur du second Temple. Elles furent jetées du haut du Temple par les légionnaires romains, lors de la destruction de Jérusalem, en 70, et ne furent récupérées que bien plus tard par les musulmans, pour édifier leurs palais.
Les archéologues israéliens, qui veulent aujourd’hui réutiliser ces mêmes blocs pour leur projet de reconstitution, ont été victimes de feux croisés. Les autorités musulmanes de Jérusalem refusent le démantèlement d’un édifice arabe, même pour reconstituer un autre édifice arabe, et une organisation juive ultra-nationaliste a émis de fortes objections sur l’utilisation de pierres juives pour un édifice musulman.
Le mur des Lamentations en danger ?
Pour Richard Harper, directeur de la British School of Archaeology de Jérusalem, toutes les fouilles israéliennes à Jérusalem-Est, conquise par l’État hébreu en 1967, sont illégales : "Les archéologues anglais ont cessé de fouiller à Jérusalem depuis cette date et n’y reviendront que lorsqu’un accord international aura été conclu au sujet du statut de la ville.
" De leur côté, les Israéliens déplorent l’absence d’équipes étrangères à Jérusalem, mais défendent l’intégrité de leurs travaux : "Nous n’avons aucune raison d’avoir honte et beaucoup de raisons d’être fiers", déclare Gideon Avni. "Depuis 1967, les fouilles israéliennes ont fait l’objet de publications dans des revues internationales, et ce sont les archéologues israéliens qui ont, les premiers, découvert les palais omeyyades."
Simultanément, un autre chantier de fouilles, tout aussi important, est condamné à la fois par la communauté arabe et par l’Unesco. Il s’agit des fouilles menées dans les souterrains du mur occidental – le mur des Lamentations –, dont on craint qu’elles n’endommagent les structures et les maisons arabes du Moyen Âge.
L’archéologue anglais Charles Warren a été le premier à découvrir l’existence de ces souterrains, au XIXe siècle, mais les fouilles n’ont pu être entreprises qu’après 1967, en raison de l’opposition antérieure des autorités musulmanes. Les souterrains, qui parcourent toute la longueur du mur des Lamentations (448 mètres), sont devenus une des principales attractions touristiques de la ville depuis leur ouverture au public, voici trois ans. Au point que le nombre des visiteurs a dû être limité, faute de place.
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Jérusalem 3000 : Une célébration et un "parc archéologique" contestés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°18 du 1 octobre 1995, avec le titre suivant : Jérusalem 3000 : Une célébration et un "parc archéologique" contestés