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« La notoriété de Fontainebleau est aujourd’hui mieux établie »

Jean-François Hebert fait le bilan de ses 11 ans à Fontainebleau 

Président (par interim) du château de Fontainebleau

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 12 février 2021 - 1276 mots

FONTAINEBLEAU

À quelques semaines de la passation de pouvoir, Jean-François Hebert fait le bilan de ses onze ans à la tête du château de Fontainebleau.

Jean-François Hebert. © Thibaut Chapotot
Jean-François Hebert.
© Thibaut Chapotot

Jean-François Hebert (65 ans) a terminé son troisième mandat à la présidence de l’établissement public du château de Fontainebleau le 25 octobre dernier et attend son successeur (peut-être une successeuse) qui doit être nommé en février ou mars. Ce grand serviteur de l’État (secrétaire général du ministère de la Défense, président de la Cité des sciences, directeur du cabinet de Christine Albanel…) attend également sa nouvelle affectation puisqu’il ne peut être renouvelé.

Avez-vous un regret avant de partir ?

Oui, celui de n’avoir pas vu la cour d’honneur enfin débarrassée de ses échafaudages... Ce sera chose faite en fin d’année quand l’escalier en fer à cheval réapparaîtra dans toute sa splendeur.

Où en est justement le schéma directeur de travaux ?

Le ministère de la Culture a validé la phase 2 de ce schéma qu’il soutient depuis 2015 en y consacrant tous les ans 9,5 millions d’euros. Après quatre années d’études approfondies, nous nous sommes accordés sur la nécessité de réaliser des travaux urgents sur le château d’abord, mais aussi sur ses collections et sur les jardins. C’est la première fois depuis les lois programmes d’André Malraux que Fontainebleau bénéficie d’un plan d’investissement de cette ampleur. Il devait durer douze ans ; il en durera finalement dix-huit.

Quels ont été les travaux les plus importants de la phase 1 ?

Nous avons lancé dix-sept opérations visant à la fois à sécuriser le château, à le restaurer et à améliorer l’accueil du public sans oublier les conditions de travail du personnel.

Un exemple concernant la sécurité : le réseau de bouches d’incendie mis en place au pied des façades permet désormais aux pompiers d’intervenir immédiatement en cas de sinistre alors qu’antérieurement il leur fallait dérouler des centaines de mètres de tuyaux pour s’alimenter en eau dans la ville ou dans l’étang aux Carpes. Dans le même registre, nous avons créé un éclairage de sécurité dans le circuit de visite, installé des portes coupe-feu, remis aux normes les armoires électriques, sécurisé la plupart des escaliers... Parallèlement, 4 300 mètres carrés de toiture – le cinquième des couvertures – ont été restaurés et près de six cents fenêtres ont été remises en état.

Et pour le public ?

Il bénéficie déjà d’un cheminement piéton dans la cour d’honneur, d’espaces d’accueil modernisés grâce à l’agence Projectiles, d’une maquette tactile, de toilettes dignes de ce nom... D’ici quelques mois, il pourra profiter d’un vrai restaurant ouvert toute l’année offrant des vues magnifiques sur le Grand Parterre, mais aussi sur la cour de la Fontaine. Pour couronner le tout, nous avons restauré les anciennes cuisines du Roi qui servaient de dépôt pour qu’elles puissent accueillir les groupes. Un vrai saut qualitatif !

Comment avez-vous distingué les travaux du schéma directeur et les travaux financés par le mécénat ?

C’est l’urgence qui nous a guidés. Les lieux emblématiques de la vie de cour bellifontaine que nous avons eu la chance de pouvoir rendre accessibles au public ces dernières années, comme le cabinet de travail de Napoléon III, le boudoir turc de Marie-Antoinette et Joséphine ou le merveilleux théâtre impérial ont tous été restaurés grâce à des mécènes.

Quels sont les grands programmes de la phase 2 ?

La phase 2 prolonge la première. Elle devrait notamment permettre au château d’obtenir enfin l’avis favorable de la commission de sécurité de Seine-et-Marne. Belle récompense après tous les efforts que nous avons accomplis ! Mais elle ouvre aussi des chantiers nouveaux. Dans les jardins dont les ouvrages hydrauliques, aqueducs et bassins seront consolidés pour garantir l’alimentation en eau du domaine. Et au sein même du château, nous lancerons un grand chantier des réserves et des collections. Car Fontainebleau, à la différence des autres résidences royales, a la chance d’être très richement meublé et de conserver des collections uniques en France qu’il faut mettre à l’abri de toutes sortes de dangers.

Pourquoi continuer à accroître la collection alors ?

Parce qu’il y a des occasions qu’on ne peut pas manquer ! Je pense à l’extraordinaire commode de la chambre de Louis XV due à Gilles Joubert que le Fonds du patrimoine nous a aidés à acquérir pour un million d’euros. Il fallait qu’elle revienne à Fontainebleau. Même chose, plus récemment, pour Cadet et Hermine, superbe tableau tout en nuances peint par Jean-Baptiste Oudry, qui complète l’ensemble que nous conservons. Et puis, il y a le retour au château, amorcé en novembre dernier, de plus de quatre cents meubles provenant des réserves du Mobilier national. Une opération qui me tenait particulièrement à cœur...

A-t-on retrouvé la quinzaine d’œuvres volées en 2015 au Musée Chinois ?

Non et je m’en désole. Je crains fort que malgré les efforts de l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels, on n’en retrouve pas la trace avant longtemps. Elles doivent avoir rejoint une collection privée.

Vous avez également bouclé à la dernière minute la reconversion des Héronnières ?

Oui. C’est l’heureux aboutissement d’un processus engagé en 2012 peu après la création de l’établissement public. Il s’agissait de trouver un repreneur pour les anciennes écuries de Louis XV occupées par l’armée depuis la fin du Second Empire et réintégrées au domaine du château en 2006. Vides, vandalisées, elles menaçaient de tomber en ruine. Nous avons donc multiplié les consultations prenant le risque d’associer aux Héronnières, entièrement classées monument historique, les terrains militaires voisins sans affectation depuis des années. Pari gagné et, au bout du compte, la ministre a pu annoncer en novembre dernier qu’un campus international des arts s’installerait d’ici quatre ans aux portes du château. Un atout de taille pour le pays de Fontainebleau !

Diriez-vous que l’image du château a changé depuis votre arrivée en 2009 ?

Est-ce à moi de le dire [sourire] ? Si oui, je dirais : indiscutablement. Au-delà de la fréquentation qui a progressé en dix ans de 54 % passant de 350 à 540 000 visites avant la crise sanitaire, la notoriété de Fontainebleau est aujourd’hui mieux établie. La politique culturelle que nous avons mise en place y est pour beaucoup. Avec des expositions centrées sur l’histoire du château, sur les souverains qui l’ont habité, sur les artistes qui y ont travaillé. Avec des visites de plus en plus diversifiées. Avec des événements proprement bellifontains comme les reconstitutions historiques, le Festival de musique des écoles d’art américaines, la Saint-Hubert du château et, bien sûr, le Festival de l’histoire de l’art qui connaît un succès croissant. Mon objectif était d’inscrire Fontainebleau parmi les grandes institutions culturelles de notre pays. Je crois qu’il est atteint.

Comment composez-vous avec la crise du Covid-19 ?

Aussi bien que possible. Nous avons perdu les deux tiers de nos visiteurs et le château est toujours fermé. Mais grâce au plan de relance que Roselyne Bachelot a obtenu pour le patrimoine et aux économies que nous avons réalisées, notamment en reportant à 2022 notre exposition sur les fêtes des Valois, nous avons sauvé les meubles sur le plan budgétaire. Et les travaux ont repris partout depuis le 11 mai 2020.

Qu’auriez-vous fait de plus si vous aviez pu accomplir un quatrième mandat ?

Napoléon, qui a tant aimé Fontainebleau, disait de ce château qu’il a « la forme et la couleur du temps ». L’expression est particulièrement juste. C’est une maison qui nous vient du fond des âges. Une maison qui a traversé les guerres et les révolutions, qui a résisté aux calamités naturelles. Une maison qui conserve l’empreinte du séjour de trente-quatre rois, de deux empereurs et de tous les artistes qui l’ont embellie. Ce lieu à nul autre pareil vous marque plus qu’on ne le marque soi-même. C’est à mon successeur maintenant d’écrire la nouvelle page de son histoire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°560 du 5 février 2021, avec le titre suivant : Jean-François Hebert : « La notoriété de Fontainebleau est aujourd’hui mieux établie »

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