En abordant par l’architecture et l’urbanisme l’histoire franco-allemande de 1800 à nos jours, l’exposition du MAMCS révèle bien plus de duos que de duels.
Jusqu’à présent, l’architecture et l’urbanisme n’avaient pas été véritablement abordés dans les grandes expositions qui ont démontré les influences culturelles réciproques entre la France et l’Allemagne. “ Interférences ” comble ce vide », souligne Estelle Pietrzyk, directrice du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, en référence notamment à l’exposition « Paris-Berlin 1900-1933 » du Centre Pompidou en 1978. Depuis plusieurs années, ses deux commissaires, Jean-Louis Cohen et Hartmut Frank – spécialistes des relations franco-allemandes en matière d’architecture et d’urbanisme –, y travaillent « afin, dit l’architecte et historien Jean-Louis Cohen, de revenir sur les idées reçues et de montrer l’intimité troublante entretenue entre ces deux pays aux lendemains de 1789 ». « Y compris lors des guerres, grandes périodes de transformations », précise l’ancien concepteur et conducteur du projet de la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris, professeur depuis 1994 en histoire de l’architecture à l’Institut of Fine Arts de l’université de New York.
Tout au long de ces deux derniers siècles, nombreuses furent en effet les interférences immédiates ou décalées entre les deux pays, comme le montrent les neuf sections du parcours chronologique de l’exposition. Tant sur le plan des édifices religieux, des monuments commémoratifs, de la restauration du patrimoine, de la rénovation ou de l’extension urbaine, que sur la question des grands ensembles, des revues ou des expositions, des diffuseurs de théories, d’approches et d’esthétiques, comme le fut tout au long du XIXe l’École des beaux-arts de Paris où vinrent se former nombre d’architectes allemands avant que ne s’ouvrent dans leur propre pays des écoles spécifiques.
Berlin au XIXe s’est ainsi construit en regardant le Paris d’Haussmann, Athènes et Rome aussi, tandis que le néogothique à Paris puisait durant la même période dans le gothique allemand, comme le symbolise la première église néogothique parisienne, Sainte-Clotilde, dessinée par l’architecte allemand Christian Gau sur le modèle de la cathédrale de Cologne, sa ville natale.
Un immense dessin de l’édifice ouvre le parcours de l’exposition produite en partenariat avec le Deutsches Architekturmuseum de Francfort.
De la question du gothique et du classicisme qui marque les échanges franco-allemands durant cette période aux réalisations d’architectes français ou allemands au sein des deux pays de l’Union européenne ; des premiers logements sociaux inspirés des théories de Charles Fourier et de Victor Considerant élevés ensuite outre-Rhin ou à Guise dans l’Aisne aux premières cités-jardins allemandes construites à Dresde en 1910-1912 avant qu’elles ne fleurissent dans l’entre-deux-guerres autour de Paris influencé par les cités de Berlin ou de Francfort ; de la question du Bauhaus à la modernité aussi… : une histoire largement méconnue se raconte sur fond de conflits, de reconstructions, de territoires annexés, occupés ou coupés en deux et de guerre froide. Sans que ne s’arrête le flux des théories, des modèles et des nouveaux systèmes de construction (tel le préfabriqué Camus auquel les deux Allemagne auront recours à partir des années 1950) ni s’interrompe le flot de projets qui ne verront jamais le jour. Tel le concours organisé à la demande de Hitler pour la création d’un « Grand Strasbourg » s’étendant sur les deux rives du Rhin et dont une des rares maquettes conservées et jamais montrées dévoile la physionomie
Musée d’art moderne et contemporain de la ville de Strasbourg, 1, place Hans-Jean-Arp, Strasbourg (67), jusqu’au 21 juillet 2013, www.musees.strasbourg.eu
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Interférences contre les idées reçues
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°656 du 1 avril 2013, avec le titre suivant : Interférences contre les idées reçues