BOUGIVAL
Installé dans l’ancienne résidence d’été de l’écrivain russe, le musée est menacé par un projet de valorisation du domaine des Frênes.
BOUGIVAL (YVELINES) - « C’est une guerre de trente ans ! », commente avec amertume Alexandre Zviguilsky, fondateur du musée et président de l’Association des amis d’Ivan Tourgueniev (1818-1883), Pauline Viardot et Maria Malibran (ATVM), après le nouvel échec des négociations menées avec le propriétaire des lieux, la municipalité de La Celle-Saint-Cloud.
Depuis sa création en 1983, ce petit musée associatif, logé dans l’ancien chalet-datcha d’Ivan Tourgueniev, n’aura eu de cesse de mener bataille pour faire respecter les engagements des parties prenantes du dossier. Acquis par l’écrivain russe en 1874, longtemps laissé à l’abandon et progressivement grignoté par les promoteurs, le domaine des Frênes – vaste propriété boisée surplombant la Seine – est racheté aux enchères par la ville de La Celle-Saint-Cloud en 1978.
Alertés par l’ATVM du projet de construction d’un terrain de sport, les services de l’État inscrivent à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques les deux constructions du domaine : la datcha et le pavillon voisin, appelé « villa Viardot » du nom de l’amie intime de Tourgueniev, la cantatrice Pauline Viardot. À l’approche du centenaire de la mort de Tourgueniev, la DRAC (direction régionale des Affaires culturelles) Île-de-France a chargé l’ATVM de la création et de l’animation d’un lieu de mémoire. Mais dès son ouverture, le 21 septembre 1985, la mairie de La Celle-Saint-Cloud dénonce le projet de bail de cinquante ans. S’engage alors un long combat, arbitré par le sous-préfet de Saint-Germain-en-Laye, qui se solde par un compromis : l’ATVM obtient la signature d’une convention de location de la datcha pour dix ans, reconductible tous les cinq ans.
Arrivé à échéance en octobre 2003, le bail n’a pas été renouvelé par la mairie de La Celle-Saint-Cloud. Arguant de son incapacité financière à assumer le coût d’une restauration des bâtiments et du parc, celle-ci a retenu sur appel d’offre un opérateur, la société immobilière Cofitem-Cofimur, par ailleurs propriétaire de l’hôtel Holiday Inn voisin du domaine des Frênes. Occupant de fait – et continuant à verser son loyer mensuel –, l’ATVM redoute désormais que le site ne soit transformé en résidence hôtelière. Une hypothèse rejetée par Cofitem-Cofimur, où l’on affirme vouloir préserver la vocation de la datcha et créer une fondation d’entreprise dévolue au patrimoine du XIXe siècle. Mais celle-ci n’ayant à ce jour aucune existence juridique, comment s’assurer de son contenu culturel ? Pour preuve de sa bonne foi, Cofitem-Cofimur rappelle avoir récemment financé la restauration de l’hôtel Bony à Paris – pour sa transformation en bureaux ! L’opérateur est toutefois soutenu par la DRAC Île-de-France, pour qui seule la Cofitem-Cofimur présenterait les garanties culturelles et financières suffisantes. « L’essentiel est de trouver une occupation digne et respectueuse du passé du lieu, précise David Guillet, le conseiller musées de la DRAC. Et il est évident qu’elle ne passera pas forcément par l’établissement d’une activité culturelle permanente. » Avant la rupture des négociations, seul un bail de quatre ans avait été proposé à l’ATVM. Soit le temps estimé pour les travaux de restauration.
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Inquiétudes pour le Musée Tourgueniev de Bougival
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : Inquiétudes pour le Musée Tourgueniev de Bougival