Arménie - Azerbaïdjan - Patrimoine

CAUCASE

Haut-Karabakh, le patrimoine arménien en sursis

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 23 octobre 2023 - 546 mots

HAUT-KARABAKH

Alors que la province a été de facto annexée par l’Azerbaïdjan, faisant fuir ses habitants, les craintes d’un effacement de la culture arménienne montent.

Monastère arménien de Dadivank, construit entre le IXe et le XIIIe siècle - l'église date de 1214. © SedrakGR, 2015, CC BY 3.0
Monastère arménien de Dadivank, construit entre le IXe et le XIIIe siècle - l'église date de 1214.
Photo SedrakGR, 2015

Haut-Karabakh. Depuis la chute de l’URSS en 1991, le Haut-Karabakh est une république autonome autoproclamée non reconnue par l’ONU mais soutenue par l’Arménie (son nom arménien est « Artsakh »). Lors de la reprise des combats en 2020, l’Azerbaïdjan a été pointé du doigt relativement au patrimoine local, car, selon plusieurs sources, il a contribué à la destruction de monuments arméniens. Le patrimoine arménien du Haut-Karabakh est majoritairement religieux (églises, monastères, cimetières), et date de la première moitié du Moyen Âge. Outre le monastère de Dadivank (IXe-XIIIe s.), la région comprend le site de Tigranakert fouillé dans les années 2000 : cette cité fortifiée hellénistique (IIe-Ier siècle avant l’ère chrétienne) est aussi le lieu de la défaite de l’empereur byzantin Héraclius Ier contre les Sassanides en 625. La région est aussi célèbre pour les stèles gravées (khatchars en arménien), inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco en 2010. Le patrimoine azerbaïdjanais compte des mosquées et des cimetières plus récents.

Plusieurs appels à protéger ce patrimoine ont été lancés dans le passé proche, notamment dans une résolution du Parlement européen et un rapport du Sénat français. Le texte européen voté en mars 2022 rappelle que « 1 456 monuments principalement arméniens » étaient sous contrôle de l’Azerbaïdjan depuis septembre 2020, et cite des églises du XIIe siècle bombardées et des destructions de cimetières médiévaux. Mais le texte affirme surtout que l’Azerbaïdjan « a causé des dommages intentionnels considérables au patrimoine culturel arménien ». En effet, à la fois dans les discours et les actes, des responsables azerbaïdjanais ont multiplié les appels à détruire le patrimoine arménien du Haut-Karabakh, à l’instar du président Aliyev qui annonçait en 2021 vouloir effacer les inscriptions arméniennes des églises. Les députés européens citent le cas de 99 églises, 20 000 tombes et 5 000 pierres tombales détruites en 2020 et 2021, notamment dans le district où se trouve Tigranakert : le site aurait même été bombardé selon un archéologue arménien. La résolution cite une ordonnance de 2021 de la Cour internationale de justice relativement à la protection du patrimoine du Haut-Karabakh, ordonnance restée sans effet sur l’attitude de l’Azerbaïdjan.

L’Azerbaïdjan défend en effet une théorie historique non prouvée selon laquelle le Haut-Karabakh appartient à la culture « albanaise du Caucase » et non à la culture arménienne chrétienne, héritière du royaume antique d’Arménie. Les députés européens parlent de « falsification de l’histoire » et de « négationnisme ». Le rapport du Sénat français de juillet 2021 pointe, lui, le risque de « dénaturation de certains monuments » et celui de « destruction du petit patrimoine » en raison de cette théorie historique. Députés européens et sénateurs appelaient de leurs vœux une mission de l’Unesco au Haut-Karabakh depuis la fin 2020 : l’Unesco n’a jamais pu se rendre sur place depuis trente ans, et elle reste impuissante. Dans une résolution votée au Parlement européen le 5 octobre dernier, les députés exhortent l’Azerbaïdjan à autoriser cette mission, et s’inquiètent d’une « épuration ethnique », car l’exode de centaines de milliers d’Arméniens en septembre 2023, après la dissolution du Haut-Karabakh, signe la disparition de la culture et des traditions locales. À ce jour, il est difficile de confirmer les informations sur le patrimoine car l’Azerbaïdjan verrouille les communications et les médias.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°619 du 20 octobre 2023, avec le titre suivant : Haut-Karabakh, le patrimoine arménien en sursis

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