NAKHITCHEVAN / AZERBAÏDJAN
Alors que le conflit a repris entre les deux pays caucasiens, un rapport pointe les importantes destructions commises depuis 1997 dans cette exclave.
Nakhitchevan (Azerbaïdjan). « Destruction silencieuse » : c’est le titre choisi par une équipe de quatre chercheurs de l’université de Cornell (New York, États-Unis) pour leur rapport édifiant sur l’effacement du patrimoine arménien dans la région du Nakhitchevan. Dans cette République autonome rattachée à l’Azerbaïdjan, le régime du président Heydar Aliyev, puis de son fils Ilham Aliyev, a mené une politique de destruction systématique des monuments arméniens, désormais documentée grâce à l’imagerie satellite. Les universitaires ont dénombré 108 églises, monastères et cimetières détruits dans cette région de la taille d’un département français.
Rattachée par Staline à l’Azerbaïdjan durant l’ère soviétique, cette exclave de l’état gazier a longtemps fait partie du royaume d’Arménie. Peuplée pour moitié d’Arméniens avant la redéfinition de ses frontières par l’ex-URSS, la République autonome du Nakhitchevan a perdu les quelque 2 000 derniers représentants de la communauté durant la première guerre du Haut-Karabagh (1988-1994). À partir de 1997 apparaissent les premiers témoignages d’atteintes au patrimoine arménien.
Les universitaires ont choisi cette date pour marquer le début de la politique de destruction, en croisant les témoignages avec l’observation des images satellites. En 2011, la quasi-totalité du patrimoine recensé, parfois inscrit sur la liste des monuments historiques d’Azerbaïdjan, est détruite. Seuls 17 sites patrimoniaux n’ont pu être localisés par les chercheurs, leur sort restant pour l’heure inconnu. « Dans chacun de ces cas, il ne s’agit pas de dommages causés au site, mais d’effacement complet, explique le rapport. La période de destruction et sa globalité indiquent clairement une campagne systématique, et coordonnée par l’État, pour détruire toute trace de la présence communautaire et religieuse des Arméniens. »
Parmi ces destructions, celle du cimetière de Djoulfa a été documentée en 2005 grâce à une vidéo réalisée depuis la frontière iranienne. On y voit des militaires azerbaïdjanais détruisant des khatchkars, ces pierres dressées et sculptées caractéristiques de l’art médiéval arménien [voir ill.]. Le cimetière, qui comptait plus de 3 000 khatchkars, a laissé place à un stand d’exercice de tir. Ailleurs, les monastères et églises détruits ont été remplacés par des monuments nationalistes ou des mosquées. En 2019, un article des universitaires Simon Maghakyan et Sarah Pickman, s’appuyant sur des témoignages et documents inédits et des images satellites, dénombrait déjà 89 destructions avérées. L’Unesco n’a pas fait de commentaire sur la destruction systématique de ce patrimoine, parfois vieux de onze siècles. En 2019, la 43e session du Comité du patrimoine mondial se tenait à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. « Les destructions du Nakhitchevan font figure de test pour la communauté internationale et les organisations de protection du patrimoine », estiment les universitaires.
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Au Nakhitchevan, l’Azerbaïdjan a détruit 98 % du patrimoine arménien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°595 du 23 septembre 2022, avec le titre suivant : Au Nakhitchevan, l’Azerbaïdjan a détruit 98 % du patrimoine arménien