Dans une démarche juridique sans précédent au Royaume-Uni, la municipalité de Glasgow tente de déroger aux dispositions testamentaires de Sir William Burrell, qui interdisent expressément le prêt des œuvres de la collection qu’il a léguée à la Ville. Cette tentative suscite l’indignation des Trustees du Burrell Museum et est attentivement suivie par la communauté artistique britannique. Elle devrait être tranchée le 2 juin.
GLASGOW. La municipalité de Glasgow et le conseil d’administration (Board of Trustees) du Burrell Museum s’opposent au sujet de l’importante collection de sculptures médiévales, tapisseries, manuscrits, argenterie, œuvres d’art chinois et indien léguée à la Ville par l’industriel William Burrell, décédé pendant la Seconde Guerre mondiale. Treize ans après l’ouverture du musée au public, le conseil municipal et le directeur des Musées de Glasgow, Julian Spalding, tentent de déroger aux dispositions du testament de Sir William Burrell, qui excluent expressément le prêt des œuvres de sa collection. Une demande d’audience a été déposée auprès du parlement afin que "toute pièce puisse être prêtée pour des expositions organisées dans des institutions publiques où que ce soit dans le monde, sans que le Burrell Museum soit jugé responsable des dommages ou dégradations éventuels de ces pièces." Si la municipalité obtenait gain de cause – l’audience a été fixée au 2 juin –, cette décision aurait de profondes répercussions sur l’ensemble des collections publiques britanniques et donnerait à réfléchir aux collectionneurs tentés d’offrir leurs œuvres à la Nation. Que l’on songe à Sir Denis Mahon, qui a récemment décidé de léguer ses peintures baroques à un ensemble de musées britanniques en pesant soigneusement les termes de son testament, excluant notamment la possibilité pour les légataires de vendre les œuvres (deaccessioning). Les administrateurs du Burrell Museum, habituellement modérés, ont condamné publiquement la volonté du conseil municipal, la qualifiant de scandaleuse : "Nous ne nous laisserons pas faire !" a prévenu Colin Donald, président des Trustees, qui estime que les frais juridiques coûteront 300 000 livres à la Ville et au Trust. Un autre administrateur, Peter Wordie, a ajouté que "les Musées de Glasgow s’enrichissant à 80 % grâce aux dons et aux legs, plus personne ne leur donnera quoi que ce soit si la requête municipale est entérinée".
Monnaie d’échange
En 1994, sans que les Trustees en soient informés, Julian Spalding avait prêté des céramiques et des verreries orientales de la collection Burrell au Café Habitat, situé dans Tottenham Court Road. Les administrateurs avaient envisagé de faire publiquement part de leur opposition avant de s’abstenir. Le directeur des Musées de Glagow affirme que l’impossibilité de prêter des œuvres de la collection Burrell est indirectement responsable de la baisse de fréquentation du musée. Selon lui, les échanges d’œuvres sont essentiels à la survie d’une telle institution et contribuent à mieux la faire connaître du public. Peter Wordie est quant à lui convaincu du contraire : "Les visiteurs ne souhaitent certainement pas arriver au musée pour apprendre que leurs œuvres préférées sont à Chicago ou à Tokyo : la collection Burrell forme un tout et doit être vue comme telle. Julian Spalding ne s’y intéresse que dans la mesure où il peut s’en servir comme monnaie d’échange pour obtenir des prêts de l’étranger." Pour Julian Spalding, la logique des Trustees les conduira à leur propre disparition : "Leur existence se justifie uniquement dans la mesure où il leur revient d’imaginer la position qu’aurait adoptée le donateur face à des circonstances qui évoluent. En s’opposant au changement, ils perdent leur raison d’être et outrepassent même leur mission. Leur attitude va à l’encontre des intérêts mêmes de la collection Burrell".
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Guerre des clans à Glasgow
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Guerre des clans à Glasgow