Remis en éclat selon une technique inédite en la matière, les vitraux de l’abbaye cistercienne, située non loin de Narbonne, brillent à nouveau.
NARBONNE - Fondée en 1093 dans les premiers contreforts des Corbières, au sud-ouest de Narbonne, l’abbaye cistercienne de Fontfroide, l’une des mieux conservées en France, s’impose, depuis les collines voisines, dans toute la rigueur et la splendeur de son architecture. Depuis 1998, elle fait l’objet d’une vaste campagne de restauration, concernant notamment les 1 600 m2 de dalles de grès qui la recouvrent. Il s’agit de remédier aux nombreuses infiltrations d’eau, conséquence malheureuse de la porosité des pierres anciennes, mais surtout des parties en béton ajoutées au début du XXe siècle.
Aujourd’hui, un tiers de sa couverture a pu être restauré. Dans le cadre de cette entreprise monumentale, les vitraux de l’abbaye, élaborés au début du XXe siècle, ont dû, eux aussi, faire l’objet de soins intensifs.
Abandonnée par les moines en 1901, l’abbaye fut acquise quelques années plus tard par des amateurs d’art languedociens, Madeleine d’Andoque et son époux Gustave Fayet. Ce dernier fit appel au peintre Richard Burgsthal pour créer une série de vitraux destinés à illuminer l’édifice. Pour cette œuvre unique, exécutée par la Verrerie des Sablons, à Bièvres, en région parisienne, Burgsthal a fabriqué lui-même les verres utilisés. Cherchant à retrouver la luminosité du verre coloré dans la masse des fenêtres des grandes cathédrales, le peintre s’est inspiré de traités anciens, comme celui du moine Théophile, et des travaux du chimiste Eugène Chevreul, tout en les adaptant aux technologies modernes. Ainsi, en 1913, il découvre les bleus royaux de Chartres puis les rouges rubis dans la masse, tandis que, l’année suivante, il met au point les tons en grisaille lui permettant d’affiner les modelés des visages, les plis ou dentelles des vêtements. Au total, il réalise, de 1914 à 1925, trente-quatre baies pour l’abbatiale. Tout en s’inspirant de la tradition médiévale pour les compositions et les encadrements, il fait preuve d’une grande liberté pour interpréter les thèmes religieux. Son style, très décoratif, correspond au renouveau de l’art du vitrail, amorcé à la fin du XIXe siècle et porté à son apogée par les symbolistes et les « Ateliers d’Art sacrés » fondés en 1919.
Privilégiant souvent le répertoire ornemental à la narration, il simplifie les lignes pour laisser libre cours à la couleur, utilisée en de larges aplats et cernée par les plombs qui structurent la composition.
Une première partie de cet ensemble, les cinq fenêtres du collatéral nord retraçant la vie de saint François d’Assise et les trois fenêtres de l’absidiole nord illustrant les thèmes des Enfers et du Paradis, a pu retrouver sa splendeur après de longs et délicats travaux. Une tâche compliquée par la nature même du verre inventé par l’artiste. Après analyses, les restaurateurs ont constaté qu’il était impossible d’utiliser les techniques habituelles – dessertir les pièces pour les traiter par collages divers –, en raison de la trop grande fragilité des vitraux altérés par de nombreuses fissures et corrosions. Ils ont donc opté pour un procédé jusque-là réservé au verre archéologique : la consolidation par imprégnation des verres. Placés dans un caisson étanche, à l’atmosphère saturée en solvant, les vitraux ont été imprégnés de méthacrylate de méthyle, produit réputé pour ses propriétés de stabilité et de relative réversibilité.
Une première, qui a rendu à l’œuvre de Burgsthal tout son éclat.
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Fontfroide la lumineuse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°216 du 27 mai 2005, avec le titre suivant : Fontfroide la lumineuse