C’était l’avis du vieux Balthus, farouche adversaire de la restauration des œuvres d’art. À Dijon, une exposition des œuvres des collections du musée des Beaux-Arts récemment restaurées prouve au contraire l’excellence et la qualité scientifique des restaurateurs français. Le sujet demeure polémique.
« Il faut leur couper les mains ! » : c’était à la fin de l’année 1998, pendant l’une des dernières visites à Paris du vieux Balthus, parcourant en fauteuil roulant l’exposition « Tintoret » organisée par la mairie du Ve arrondissement. Il invectivait, d’une voix cassée, les restaurateurs de tableaux. Le peintre le plus inaccessible et le plus solitaire qui soit, après s’être assuré que tous les journalistes étaient bien présents, était ensuite allé déjeuner avec le président de la République. Dans Le Figaro, en mars 2002, Jean-Marie Tasset accusait les restaurateurs d’avoir assassiné, ou du moins écorché, Lubin Baugin, exposé à Orléans. Il est de bon ton de dire que les restaurateurs sont des criminels. Résumé des griefs : ils sont suspects de mettre les œuvres au goût du jour – la preuve, on peut faire l’histoire de la restauration –, ils restaureraient sans vraie nécessité, pour le plaisir d’orchestrer le battage médiatique dont les musées ont besoin, ils massacreraient les patines des marbres – le gisant d’Ilaria del Quaretto de Jacopo della Quercia à Lucques est une victime des restaurateurs très connue en Italie – et arracheraient aux toiles, avec les vernis, les glacis qui font la subtilité des modelés anciens.
Démenti flagrant en ce moment à Dijon : sous l’impulsion du conservateur en chef Emmanuel Starcky et d’Hélène Meyer, conservatrice chargée des restaurations, des œuvres des réserves, quelques nouvelles acquisitions et des pièces des collections permanentes, après un séjour à l’hôpital des œuvres d’art, le célèbre centre de Versailles, semblent ressuscitées.
Le grand Bruegel de Velours du musée a été parfaitement bien traité, un Saint Michel en bois polychrome et doré d’Allemagne du Sud, datant de la fin du XVe siècle, a retrouvé son éclat sous la gangue noirâtre qui le couvrait. Ces opérations ont été accompagnées d’analyses scientifiques remarquables qui font honneur aux musées de France. À la Plaine-Saint-Denis, dans le département de formation des restaurateurs d’œuvres d’art de l’Institut national du patrimoine, rattaché à l’école qui forme les conservateurs depuis 1996, grâce à une excellente idée du directeur d’alors, Jean-Pierre Bady, on apprend, à des étudiants passionnés, ce qu’il faut bien appeler la restauration « à la française ». Depuis 1996, dès l’école, elle se pratique en dialogue permanent avec les conservateurs. Pour se faire son opinion, et se tenir au courant de l’actualité des restaurations et des polémiques qu’elles suscitent toujours, le site internet de l’Aripa, qui publie la revue Nuances, demeure un outil d’information irremplaçable.
DIJON, musée des Beaux-Arts, palais des États de Bourgogne, entrée cour de Bar, tél. 03 80 74 52 70. Exposition « L’Archange et l’Esquisse », jusqu’au 17 mars. Pour en savoir plus sur l’Association pour le respect de l’intégrité du patrimoine artistique, voir le site très complet www.aripa-nuances.org.
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Faut-il couper les mains des restaurateurs ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : Faut-il couper les mains des restaurateurs ?