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En Poitou-Charentes, des musées à redécouvrir

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 19 novembre 2015 - 1375 mots

Patrie de commerçants et d’administrateurs actifs dans les anciennes colonies, le Poitou-Charentes n’est pas reconnu comme étant une terre de musées. Et pourtant, avec quarante-trois musées de France, des associations fortement actives et des collections d’intérêt national, la région affiche un dynamisme qu’elle sait fédérer en réseau.

Région de taille moyenne, à dominante rurale et dotée d’un littoral touristique, le Poitou-Charentes ne jouit pas d’une image de grande terre de musées. Il ne compte pas, il est vrai, de superstructures. Le Musée d’Angoulême, le plus fréquenté, accueille 45 000 visiteurs par an, un score comparable aux Beaux-Arts de Limoges (41 000), mais bien moindre que celui du Musée d’Aquitaine à Bordeaux (154 000). La région dispose majoritairement d’établissements de petite et moyenne dimensions. Quarante-trois musées de France et quelques associations maillent le territoire avec des collections identitaires et complémentaires. Patrie de commerçants et d’administrateurs actifs dans les anciennes colonies, la région conserve, par exemple, la seconde collection d’art extra européen de France (Angoulême, La Rochelle et Rochefort). La préhistoire et l’archéologie composent d’autres ensembles significatifs : la paléontologie et le néandertalien à Angoulême, le paléolithique à Montmorillon et à Poitiers, le néolithique à Bougon et, enfin, le gallo-romain à Saintes et à Chauvigny.

Des professionnels dynamiques
Autre atout, depuis les années 1990 les établissements ont bénéficié d’importants investissements, notamment via le Fonds européen de développement régional. Une vingtaine de structures ont été modernisées ou créées à Niort, Angoulême, Chauvigny, Cognac ou encore Saint-Martin-de-Ré. « Il y a eu un déclic chez les élus sur la nécessité de faire les travaux à un moment où il y avait de l’argent », résume Marie-Françoise Gérard, conseillère musées à la Direction régionale des affaires culturelles. Une volonté politique qui s’est couplée à un effort de professionnalisation des établissements, encouragé aussi par la Loi musée. Les chantiers de restructuration ont ainsi permis en moyenne de doubler les équipes en recourant notamment aux emplois jeunes. Presque tous les postes ont pu être pérennisés en préparant les employés aux concours de conservation. Un cercle vertueux en somme qui a permis une remise à niveau. « En territorial, les projets se construisent avec le temps et c’est aussi beaucoup une question de personnes, tant avec les élus qu’avec les responsables scientifiques », estime la très volontaire conseillère musées qui prend à cœur son rôle de chasseuse de têtes.

Force est de constater que les dirigeants des principaux musées sont très engagés. Pascal Faracci impulse ainsi une belle dynamique à Poitiers par des partenariats locaux et nationaux, tandis que Laurence Lamy construit une ambitieuse stratégie territoriale dans le Niortais. Sans oublier Béatrice Rolin qui a mis en place une politique originale de médiation au Musée d’Angoulême, le transformant en lieu extrêmement ouvert, en phase avec l’évolution des publics. L’établissement a inventé, entre autres, un dispositif transmédia dédié aux collections africaines, avec le Musée de Dakar, les étudiants des écoles d’art, d’animation, de jeux vidéo et le monde associatif.

La Rochelle, enfin la renaissance ?
Au cours des deux dernières décennies, il y a cependant eu quelques ratés. Par manque de volonté politique et d’investissement d’un ancien directeur, le Musée des beaux-arts de La Rochelle a longtemps végété. Les choses changent en grande partie grâce à sa directrice Annick Notter. Les Beaux-Arts ont fusionné avec le Musée d’Orbigny dédié à l’histoire de la ville et aux arts décoratifs. Tandis que le bâtiment dévolu aux beaux-arts est enfin uniquement dédié au musée devenu, par la réunion des collections, Musées d’art et d’histoire (MAH). Après sa refonte très attendue, le MAH s’étendra sur 2 700 m2, contre 400 il y a encore peu. Le parti pris de sa directrice est de « dérouler un fil chronologique transversal racontant comment La Rochelle s’est construite comme une ville des ailleurs ». Son rêve serait de « relier le musée à celui du Nouveau Monde par un passage souterrain créant un cordon ombilical fort qui donnerait une vision plus cohérente ». Une option qui a aussi l’avantage de faire bénéficier le MAH de la visibilité de son voisin.

L’union fait la force
La question du réseau est en effet omniprésente en Poitou-Charentes. Fondé en 1994, le Conseil des musées travaille ardemment dans ce sens tout en étant à l’avant-garde des problématiques numériques. Il est à l’initiative d’un portail fédérateur proposant une riche base de données, un outil d’inventaire, de documentation et de diffusion des collections régionales totalisant 800 000 consultations par an. L’association y présente en outre toutes les informations pratiques sur les établissements, ainsi que la dizaine de publications numériques qu’elle élabore chaque année. Cette synergie entre les sites se matérialise aussi par des expositions itinérantes et des initiatives innovantes, à l’instar de la plateforme de restauration et de conservation préventive. Basée à Niort, elle permet aux musées de faire restaurer des œuvres picturales ou graphiques dans des conditions optimales tout en réduisant drastiquement les coûts. Ce dispositif plébiscité a fait des émules. Un pôle textile a vu le jour à Châtellerault et un espace de stabilisation des métaux et traitement par anoxie à Chauvigny.

Musée Bernard d’Agesci à Niort
Bien qu’il porte le nom d’un peintre, le musée est tout sauf monographique. Depuis sa création en 2006, il rassemble au cœur d’un ancien lycée les collections de plusieurs établissements : beaux-arts, histoire naturelle et un conservatoire de l’éducation. Les arts décoratifs constituent un point fort de son parcours tout comme les sculptures de Poisson. Sa galerie, qui met à profit l’architecture des salles de classe pour raconter les grandes écoles de peinture, est également une belle réussite.
Musée Bernard d’Agesci, 26, avenue de Limoges, Niort (79), www.agglo-niort.fr

Musée Sainte-Croix À Poitiers
Le musée a été bâti en 1974 par Jean Monge sur l’emplacement de l’ancienne communauté bénédictine de Sainte-Croix. Édifice remarquable, récemment labélisé « Patrimoine du XXe siècle », il intègre dans son sous-sol des vestiges antiques découverts lors des travaux. Ses riches collections d’archéologie narrent l’histoire du Poitou depuis la préhistoire jusqu’au Moyen Âge avec quelques chefs-d’œuvre, dont un important mobilier néolithique, une statue de Minerve et une série de sculptures romanes. Le département beaux-arts retrace quant à lui les grands mouvements jusqu’au milieu du XXe siècle et une section évoque l’histoire de Poitiers. Seul musée classé de la région, il pâtit cependant d’avoir été trop peu valorisé par le passé. Les réserves externalisées prévues à l’origine n’ont pas été réalisées mitant une partie de la surface d’exposition. Elles vont enfin l’être pour permettre un agrandissement du parcours accompagné d’un chantier muséographique repensant l’ensemble du circuit de visite.
Musée Sainte-Croix, 3, bis rue Jean-Jaurès, Poitiers (86), www.poitiers.fr

Les musées de Chauvigny
Les musées de la cité médiévale occupent deux sites remarquables autour de la collégiale Saint-Pierre : le Musée des arts et traditions populaires, dans l’ancien presbytère, et l’Espace d’archéologie industrielle niché au cœur du donjon de Gouzon. Si le premier est assez classique, le second offre un parcours original essentiellement axé sur l’industrie et l’artisanat chauvinois : la pierre calcaire et la porcelaine. Il présente également d’importantes collections d’archéologie locale.
Musée des arts et traditions populaires, place du Vieux-Marché, Chauvigny (86) - Espace d’archéologie industrielle, place du Donjon, Chauvigny (86), www.chauvigny-patrimoine.fr

Musée des beaux-arts de La Rochelle
Depuis sa naissance en 1844, le musée est à l’étroit dans l’hôtel Crussol d’Uzès qu’il a dû partager avec d’autres services, peinant à donner une image représentative de ses collections qui se distinguent par la peinture orientaliste et académique. Dans l’attente d’une refonte, actuellement à l’étude, l’établissement mène une intéressante politique de réaccrochage. Il confie cette tâche à des personnalités extérieures au monde des musées : club de rugby en 2014, détenus en 2015 et malvoyants en 2016.
Musée des beaux-arts, 28, rue Gargoulleau, La Rochelle (17), www.ville-larochelle.fr

Musée d’Angoulême
Le Musée d’Angoulême a rouvert en 2008 après un vaste chantier. Il s’est imposé depuis comme l’un des établissements phares de la région. Ses collections ont été redéployées autour de trois grands pôles : beaux-arts, archéologie et arts extra européens. Le musée possède en effet de très riches fonds archéologiques, de l’homme de Néandertal à l’âge roman en passant par l’art celtique. Il conserve par ailleurs une des plus belles collections de France dédiées aux arts d’Afrique et d’Océanie.
Musée d’Angoulême, 1, rue de Friedland, Angoulême (16), musee-angouleme.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : En Poitou-Charentes, des musées à redécouvrir

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