À la fin de l’année s’achèvera la restauration du massif occidental de Notre-Dame de Paris, commencée depuis plusieurs années. Point d’orgue de ce chantier, les opérations sur les portails de la façade ont commencé l’été dernier, mettant en évidence des traces de polychromie d’une ampleur insoupçonnée.
PARIS - Depuis 1992, des échafaudages masquent en partie la cathédrale Notre-Dame de Paris, se déplaçant progressivement sur les deux tours massives. Derrière ces bâches se déroule, depuis le début de l’été, l’ultime étape de ces travaux : la restauration des portails de la façade occidentale, dont l’achèvement est prévu à la fin de l’année, festivités de l’an 2000 obligent. Même si une équipe de neuf restaurateurs travaille sur ce chantier, on ne peut s’empêcher de trouver ce délai un peu court, s’agissant d’opérations aussi délicates. Toutefois, Bernard Fonquernie, architecte en chef des Monuments historiques responsable de la cathédrale, explique que “les sculptures ne sont pas très altérées”. À l’abri du portail, elles n’ont en effet pas trop souffert des intempéries et conservent toute leur grâce. En revanche, les saletés de toutes sortes, principalement des fientes de pigeon, se sont accumulées sur plusieurs centimètres de hauteur. Circonstance aggravante, les restaurateurs des années soixante avaient apposé sur les sculptures une glu anti-pigeons dont l’effet a été de courte durée et qui a largement contribué à l’adhérence des salissures. La première opération a donc consisté en un nettoyage de surface parfois peu ragoûtant, qui, une fois achevé, a laissé apparaître des rayures laissées par les restaurateurs des années soixante. Ceux-ci avaient imprudemment procédé à un brossage et à un nettoyage à l’eau, ce qui était une double mauvaise idée : la brosse métallique raye, comme on l’a vu, et l’eau fragilise la pierre. Aujourd’hui, les méthodes ont changé, mais pour se démarquer de ces expériences malheureuses, Bernard Fonquernie se défend par avance de vouloir “blanchir” Notre-Dame.
Les trois portails concernés, sur la façade occidentale, sont respectivement consacrés, du nord au sud, à la Vierge, au Jugement dernier et à sainte Anne, et datent du début du XIIIe siècle, à l’exception du dernier dont la plus grande partie est antérieure. Au XIXe siècle, la cathédrale a connu des bouleversements majeurs, sous la direction d’Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc. Vainqueur, avec Jean-Baptiste Lassus, du concours de 1842 pour assurer la maîtrise d’ouvrage des restaurations de Notre-Dame, il devait veiller au sort de l’illustre monument jusqu’en 1863. Résultat de ses multiples interventions, le portail central ne compte pas moins de 17 types de pierre différents, dûment répertoriés, qui sont autant de cas d’espèce. Fort décrié pour ses choix, Viollet-le-Duc apparaît aujourd’hui comme le sauveur de Notre-Dame, en piteux état à cette époque, et ses interventions appartiennent désormais à l’histoire du bâtiment. Elles ont donc pour l’essentiel été respectées, quand bien même elles présenteraient la face hideuse et grimaçante des statues de rois remplaçant les sculptures détruites pendant la Révolution.
Polychromie insoupçonnée
L’une des bonnes surprises de l’étude préalable a été de découvrir non pas les traces de polychromie mais leur ampleur insoupçonnée, notamment dans les zones creuses, par nature plus protégées. Ces éléments nouveaux ont été pris en compte dans la mise au point du protocole : microsablage léger pour les zones polychromes, après refixage, et combinaison du laser et des compresses sur les autres (pour plus de détails sur ces techniques, lire le JdA n° 69, 24 octobre 1998). Le dosage des deux techniques a donné lieu à de nombreux tests, tenant compte des différents degrés d’usure sur une même surface et des variétés de pierre. Bernard Fonquernie explique que l’usage des compresses imbibées de solutions dissolvant la crasse permet d’ôter à la pierre la coloration jaune qu’elle présente après le passage au laser. Sur les quelques figures – anges ou Pères de l’Église – déjà restaurées, apparaît une pléthore de détails (broderies des vêtements, cheveux...) insoupçonnés du sol. Un autre détail inattendu est apparu après la restauration : une statue d’Adam, placée au-dessus de la galerie des Rois et datée de 1901, a révélé une délicieuse couleur rose !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°74 du 8 janvier 1999, avec le titre suivant : En noir et en couleurs