Avec près d’un an et demi de retard, l’inauguration le 18 janvier du Musée de la musique implanté dans l’aile nord de la Cité de la Musique marquera, près de douze années après sa conception initiale, l’achèvement de ce prestigieux équipement. Réalisé par l’architecte Franck Hammoutène sur la base du programme de présentation élaboré par Henry Loyrette, directeur du Musée d’Orsay, ce nouveau lieu se présente comme un long parcours, simultanément spectaculaire et intimiste.
PARIS. La mission de Franck Hammoutène, lauréat du concours organisé en 1990 par le ministère de la Culture et l’établissement public du parc de La Villette, n’était pas simple : comment mettre en scène, dans les meilleures conditions d’accessibilité et de visibilité, l’exposition de près de neuf cents instruments de toutes époques – sur les quelque 4 500 pièces que compte la collection nationale autrefois présentée au Conservatoire de la rue de Madrid, à Paris – dans le cadre des espaces particulièrement complexes légués par l’architecture de Christian de Portzamparc, auteur de la Cité de la Musique ? Cette gageure, Franck Hammoutène l’a brillamment relevée. En respectant l’architecture de Christian de Portzamparc plutôt qu’en la dénaturant, en jouant avec les seuls "instruments" que la muséographie lui accordait (vitrines, accrochage, lumière), ainsi qu’avec le traitement des sols et plafonds, pour qualifier les différentes séquences (neuf au total : "l’Italie baroque", "la musique à Versailles", "Paris, l’opéra et les salons", "les concerts publics", "l’orchestre romantique", "grand opéra et drame lyrique", "les expositions universelles", "musiques de plein air", "le XXe siècle, les ruptures instrumentales") qui rythment le parcours, il a réussi à glisser – plutôt qu’à imposer – sa propre partition, comme une fugue mineure au sein d’une symphonie plus vaste.
Casque auditif
Le parcours proposé est effectivement musical puisqu’il offre au visiteur, par l’intermédiaire d’un casque auditif, un accompagnement sonore correspondant aux instruments observés. Mais, dans le cadre architectural particulièrement lyrique de la Cité de la Musique, il importait que la mise en espace du musée le soit aussi. Sur près de trois mille huit cent mètres carrés, celle-ci est organisée comme une longue promenade ininterrompue, où les vitrines alternent points et lignes, continuités et ruptures, tandis que, tout autour, sols en béton verni et parquet blond, murs recouverts de laque ou de patine grise, plafonds gris ou de bois verni créent une atmosphère intimiste. D’acier et de verre ou, parfois, partiellement dissimulées derrière de longs portiques en bois longeant les murs, les vitrines surgissent comme de véritables apparitions. Délibéremment surdimensionnées (certaines n’étant constituées que de simples plaques de verre montant du sol au plafond), elles participent activement à la constitution du parcours – échappant à la passivité des présentoirs traditionnels – et donnent aux instruments un espace tel qu’ils semblent flotter dans le vide. Franck Hammoutène en a conçu de trois types : vitrines murales, vitrines "îlots" et vitrines "noyaux". L’impression de flottement des instruments a été obtenue par un système d’attache particulièrement sophistiqué, digne de l’accastillage le plus complexe, et nécessitant plus de soixante-dix pièces d’acier distinctes. L’éclairage, fourni principalement par des bandes de fibres optiques dissimulées au regard dans la partie haute des vitrines, et secondairement par quelques spots, nimbe les instruments d’une lumière sans origine. La disposition des vitrines est tout aussi surprenante. Ainsi, dans la séquence consacrée à Versailles, la très belle enfilade de cinq vitrines "îlots" crée un effet presque surréaliste, où violes et guitares du XVIIe siècle français se déploient dans une superposition féérique. De même, dans la zone des expositions universelles, qui permet de découvrir des instruments des cultures non-européennes, Franck Hammoutène a fait le choix de vitrines constituées de plaques de verre tout en hauteur, s’élevant vertigineusement sur près de six mètres, qui donnent au parcours une dimension onirique digne des très beaux musées.
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En avant la musique !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : En avant la musique !